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Analyse Projet Centre d'Archives et de Documentation Homosexuelles de Paris APCADHP
citations à caractère critique, polémique, pédagogique et/ou scientifique des informations

Merci de nous aider à collecter d'autres archives LGBTQ
la sauvegarde des mémoires LGBTQ permet de préserver la vérité sur notre histoire

22 1 2003 : communiqué de l'historienne Marie-Jo Bonnet

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Marie-Jo BONNET
Docteur en Histoire
contactmjbonnet[AT]yahoo.fr

Paris le 22 janvier 2003,

Lettre ouverte à M. Bertrand Delanoë, Maire de Paris,
à propos du Centre d'Archives et de Documentation Homosexuelles de Paris (CADHP)
qu'il souhaite fonder dans la capitale

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Monsieur le Maire,
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Le 2 décembre dernier j'ai écrit à Mme Anne Hidalgo, Première Adjointe à la Mairie de Paris et Responsable de l'Observatoire de l'égalité entre les femmes et les hommes, pour lui faire état de la "discrimination officielle" dont sont victimes les lesbiennes dans le projet de Jean Le Bitoux du futur "Centre d'Archives et de Documentation Homosexuelles de Paris" que vous souhaitez installer à Paris et que son "Association de Préfiguration du CADHP" s'est vu attribuer une subvention de 100 000 euros le 24 septembre 2002 pour entrer en phase de préfiguration.
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N'ayant pas encore de réponse de Mme Hidalgo, et ayant été témoin de trop nombreuses inexactitudes, voire des déformations volontaires diffusées dans la presse par M. Philippe Lasnier, votre "Conseiller auprès du Maire de Paris" et votre "Chargé des relations avec les homosexuels", au sujet de notre action anti-discriminatoire, je me permets de répondre ici point par point à son argumentation :
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- Je lis dans Télérama du 15 janvier 2003, les propos de M. Lasnier selon lesquels "Cette pétition truffée d'approximations émane d'un mouvement informel créé et peu représentatif du militantisme lesbien".
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Il a toujours été clair que si je m'opposais à ce projet qui exclut les lesbiennes, c'était en tant que chercheuse, spécialiste de la question. J'ai soutenu une thèse d'histoire sur Les relations amoureuses entre les femmes en mars 1979, thèse qui en est à sa troisième édition.

Et je ne parle pas de mon récent livre Les deux Amies, Essai sur le couple de femmes dans l'art, ni des articles que j'ai publiés dans le cadre scientifique comme dans le cadre militant.
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Le groupe Archilesb! a été fondé dans le but de réfléchir à la question des archives. Je ne l'ai jamais caché et si Archilesb! a pu lancer sa pétition au festival Cinéffable, participer avec moi au débat organisé par Cinéffable sur les rapports du mouvement lesbien avec les institutions et si la pétition a recueilli à ce jour plus de 800 signatures, c'est bien parce que les questions qui y sont posées correspondent à une réelle inquiétude des mouvements lesbiens, d'abord, et d'autres acteurs du militantisme gay qui sont eux aussi discriminés par les pratiques hégémoniques de Jean Le Bitoux.
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Je parle des transsexuels et transgenres mais aussi des associations gays et lesbiennes, des chercheurs et historiens qui n'ont pas attendu M. Le Bitoux pour constituer des Centres d'archives, ou qui sont choqués de l'exclusion des lesbiennes.

Rien que sur la région parisienne, il existe déjà au moins trois centres d'archives (voir plus loin). Or à ce jour, aucun centre existant n'a accepté de le rejoindre. Chat échaudé craint l'eau froide, probablement.
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En effet, ce n'est pas la première fois que M. Le Bitoux lance cette idée grandiose et obtient son financement par les pouvoirs publics :

En 1990, il a fondé avec d'autres personnes la "Maison des Homosexualités", dans un appartement de "deux pièces et cuisine", rue Michel Le Comte.

Des subventions de l'Agence Française de Lutte contre le Sida (AFLS) et d'autres partenaires d'un montant global (pour 1990 au 1er semestre 1992) de 787 600 francs leur sont attribués (plus le loyer, les salaires et celui de la logistique administrative), parmi lesquelles "une subvention de 50 000 francs du Ministère de la Culture pour le service documentation" pour 1991 (cf. Gai Pied Hebdo N° 492, 31 octobre 1991, p. 55).

C'est pourquoi, Jean Le Bitoux, "responsable des programmes à la Maison des Homosexualités", se félicite dans un éditorial du magazine Illico d'octobre 1991, p.12, de l'octroi de la subvention en écrivant :
"Un lieu s'impose, protégé des querelles associatives et des menaces politiques. Des éléments épars, des repères de notre histoire, encombrent encore nos caves. Certains, plus prévoyants, les remettent au Centre d'archives de la Maison des Homosexualités. Le Ministère de la Culture vient pour la première fois de se décider à reconnaître, par une subvention, la richesse de cette mémoire. Prenons-en acte, en sachant que l'histoire n'existe d'abord que par la protection de la sienne propre".
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Or un mois plus tard, Act-Up Paris décidait de ne plus faire partie de la "Maison des Homosexualités" (cf. Illico, décembre 1991, p. 33 et 36). Pourquoi ?
Relisons leur déclaration :
"Comment peut-on croire à une Maison des Homosexualités où les lesbiennes sont si peu représentées, où les associations présentes n'ont aucun contact direct avec les homosexuels, et qui manque à ce point de sens critique à l'égard des institutions gouvernementales ?" (cf. Gai Pied Hebdo N° 493, 7 novembre 1991, p. 17).

Dans Action N°4 de novembre 1991, p. 7, Act-Up Paris demandait la création d'un "vrai Centre Gai et Lesbien", parce que la "Maison des Homosexualités" n'avait rien fait contre le sida, notamment, ajoutant : "Des subventions pour le moins anticipées de l'AFLS donnent un cachet " lutte contre le sida " à ce qui n'est que l'ébauche " expérimentale " d'un centre gai (on n'ose pas dire " lesbien " tant les femmes en sont absentes)" [c'est moi qui souligne].

Et c'est comme cela que, se discréditant elle-même, la "Maison des Homosexualités" allait disparaître et qu'un vrai Centre Gai et Lesbien allait naître, quelques années plus tard à Paris, dans des nouveaux locaux, au 3, rue Keller.
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Or aujourd'hui, on a le droit de se demander :
- Où sont passées les archives de la "Maison des Homosexualités" ?
- Et comment les subventions ont-elles été utlilisées ?
- Est-ce parce quelques mystères planent encore sur ces questions que personne ne veut donner d'archives à M. Le Bitoux ?
- Veux-t-on ainsi éviter que la même mésaventure arrive au nouveau CADHP ?

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Les articles des magazines Têtu (N° 70, p. 54 et 55) et IB News (N° 13, p. 64 et 65), parus début septembre 2002, sur le projet du futur CADHP, révèlent que M. Le Bitoux "possède peu d'archives en propre".

Dans une interview du même numéro de Têtu, il reconnaît ne pas avoir les archives de Gai Pied, journal dont il se vante pourtant d'être le fondateur, et qui ont été rachetées par Patrick Elzière, PDG de Webscape et du site internet gayvox.com. [ http://www.gayvox.com/ ]
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De plus, il a lui même affirmé que : "C'est le projet de la Ville de Paris, soutenu par Christophe Girard et Bertrand Delanoë […] Si M. Tibéri avait conservé sa place de maire, nous ne serions pas en train de travailler là dessus. Bertrand Delanoë a bien compris que Paris était une très grande ville au niveau de l'homosexualité. Nous sommes dans une bonne conjoncture […] "
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- Dans Télérama je lis encore de Philippe Lasnier : "Le projet est d'ailleurs soutenu par les deux grands collectifs associatifs, le Centre gai et lesbien et la LGBT"...
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Certes, et pour cause.... Un peu d'histoire nous révélera pourquoi :
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En février 2001, la Lesbian and Gay Pride Ile-de-France (LGP IdF) a envoyé un "Questionnaire adressé aux candidats à la mairie de Paris" comprenant 8 questions, dont celle numéro 7 sur "Le Maire et la mémoire".

- Le 2 mars, Bertrand Delanoë répond favorablement : "[...] la possibilité de créer un lieu de documentation, d'information et de recherche autour de cette mémoire a retenu toute mon attention".

- Sa réponse sera d'ailleurs intégralement repoduite dans "l'introduction au dossier" en préface du projet de M. Le Bitoux, comme s'il s'agissait d'une réponse personnelle.
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Je cite le Rapport d'activités 2001 de la LGP Ile-de-France :

"Le 13 juin une rencontre a lieu avec Odette Christienne, adjointe chargée de la mémoire. La délégation était composée de Jean Le Bitoux, René Lallement et d'Alain Piriou, accompagnée de Christopher Miles. L'objet de la discussion était la mise sur pied d'un centre d'archives et de documentation sur les homosexualités. L'échange, bien que cordial, n'a pas été des plus fructueux".
Autrement dit Mme Christienne ne veut pas se charger du dossier.
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Une semaine plus tard, le 18 juin, la délégation est revenue à la Mairie de Paris pour rencontrer :
"M. Christophe Girard, adjoint chargé de la culture à la mairie de Paris : un soutien de principe a été accordé pour la mise sur pied d'un tel projet, bien que la décision revienne au maire" (cf. Rapport d'activités 2001 de la LGP IdF sur le site de l'Inter-LGBT).

- On lui remet un mémorandum de deux pages : "Un outil pour la mémoire collective" avec le logo de la LGP IdF qui montre que c'est bien un document de la LGP IdF.

- Mais sur certaines versions du dossier de présentation du projet de M. Le Bitoux ce logo de la LGP IdF n'apparaîtra plus, comme s'il s'agit d'un document de son association AP CADHP.
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Puis lors de la réunion du 3 septembre de LGP IdF (aujourd'hui dénommée Inter-LGBT), il a été dit que :
"L'association " Association pour le centre d'Archives et de Documentation Homosexuelles de Paris" a été créée pour faire avancer le projet, et Jean Le Bitoux et Philippe Bot' qui en sont les représentants en présente l'état d'avancement. Le chantier est immense, mais d'énormes quantités d'archives sont déjà mobilisables [...]" (cf. Compte-rendu de la réunion sur le site de la LGP IdF). Comment ? Mystère.

En réalité l'association AP CADHP n'est pas encore créée et ses statuts ne seront déposés que trois mois plus tard, le 19 décembre 2001 exactement (cf. Journal Officiel), juste à temps pour demander la subvention pour l'exercice 2002.
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Mais le problème de l'accès aux archives existantes est loin d'être réglé. Il existe déjà plusieurs centres d'archives à Paris, comme je l'ai dit :

- Archives Recherches Cultures Lesbiennes (ARCL) :
fondées en 1983 par Claudie Lesselier et qui sont hébergées à la Maison des Femmes de Paris, 163 rue de Charenton, 75012 Paris. (voir détails de leurs archives sur leur site : http://arcl.free.fr/)
Ce grand fonds documentaire constitué sans aucune subvention comprend plus de 5 000 ouvrages, des centaines de revues, dossiers thématiques, vidéos, etc.
Même si celles-ci assurent des permanences régulières pour leurs consultations au public, les ARCL sont disqualifiées d'un revers de plume sous prétexte qu'elles sont non mixte.
Et en tout cas, la Mairie de Paris ne leur a même pas accordé une petite subvention !

- L'Académie Gay et Lesbienne :
fondée par des collectionneurs qui se sont regroupés en association le 1er mars 2001.
Depuis vingt sept ans, sans aucune aide, ils ont collecté toutes sortes de documents LGBT (environ 15 000).
Ils ont établi sur leur site http://www.archiveshomo.info/ : une liste de centres et fonds d'archives en France qui ont des documents sur les gays, lesbiennes, bisexuel(le)s, transgenres.
Mais cela ne compte pas : l'Académie Gay et Lesbienne est disqualifiée parce que ses archives sont toujours logées en banlieue, à Vitry sur Seine (94), et donc d'accès peu aisé pour les Parisiens.
Depuis deux ans, cependant, elle demande en vain un local dans Paris et une aide à la Mairie de Paris.
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- Reste la Bibliothèque du Centre Gai et Lesbien de Paris (C.G.L.) :
Fondée en 1995 par Philippe Labbey, elle comprend 2 000 volumes, 3 000 revues et une documentation importante sur les associations, etc. (voir détails de leurs archives sur leur site : http://www.cglparis.org/ )
Et de plus, celle-ci assure des permanences régulières pour leurs consultations au public.

Depuis décembre 2001, des actions de "gay guerre" sont menées de l'extérieur contre le CGL, allant jusqu'à perturber le CGL en pleine Assemblée Générale du 16 février 2002 (cf. Nouvel Observateur Paris IdF du 28.02 au 06.03.02, p.13 ; gayvox.com du 18.02.02 ; etc.).

Pourquoi et pour qui a-t-on organisé des tentatives de déstabilisation du CGL ?
Le conflit va durer plusieurs mois...

En tout cas le CGL a réussi à résister : La Mairie de Paris finit par attribuer au CGL une subvention de 100 000 euros (votée le 22 novembre 2002), même montant, remarquons-le, qu'au projet CADHP de M. Le Bitoux.
[Le CGL n'avait bénéficié que d'une subvention de 200 000 francs (environ 30 000 euros) en octobre 2001]

Par la suite, le CGL aurait concédé à l'idée de "cohabiter" avec le l'Inter-LGBT (ex LGP IdF) et le projet CADHP de M. Le Bitoux dans un même immeuble (ce qui est promis par la mairie de Paris).
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Enfin, dernier problème : le vote de la subvention des 100 000 euros par le Conseil de Paris en septembre 2002

Là encore les choses ont été rondement menées, et ce, sur le dos des lesbiennes.
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Le débat est intéressant car il montre qu'on a laissé parler Clémentine Autain, adjointe au Maire, sans aucunement tenir compte de ce qu'elle avait dit, car les jeux étaient déjà faits.

- Que disait-elle : " - [...] On parle des gays et moins des lesbiennes... Je vois que cela fait ricaner mes collègues de l'opposition.

- Mme Anne Hidalgo, première adjointe, présidente : - Ils sont un peu dissipés. Je vous demande de bien vouloir porter toute l'attention à ce dossier et de faire silence.

- Mme Clémentine Autain, adjointe : - Je voudrais qu'on fasse attention à la bonne répartition pour permettre une juste visibilité de la communauté lesbienne. Dans l'exposé des motifs, il est fait mention d'un site internet comportant une histoire du gay-Paris... Et le Paris des lesbiennes ? [...] Je voudrais par ailleurs que dans la composition de l'Association et du Comité qui va suivre ce projet, il y ait une place pour la Coordination Lesbienne. Ainsi, dans le conseil d'administration, d'après ce que j'ai compris, il n'y a que trois femmes sur neuf hommes. Peut-être pourrait-on viser la parité ? Je pense qu'on doit pouvoir trouver des chercheurs et des scientifiques femmes pour être dans ce Conseil d'Administration [...]"
(cf. Compte rendu du débat des délibérations du Conseil Municipal de Paris du 24-9-2001).
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Cause toujours...

Le vote s'est passé sans histoire parce que "l'Association [de Préfiguration du CADHP] et la mairie [de Paris] ont discrètement sollicité Jean-Luc Roméro (RPR-UMP) pour qu'il tente de " sensibiliser " quelques élu-e-s de droite pour éviter des dérapages homophobes lors de la session qui examinera cette question" (cf. e-llico.com du 9-9-2002).

Et "[...] Jean-Luc Roméro a écrit à tous les présidents de groupe à la Mairie de Paris : Il me semble à cet égard indéniable qu'un tel projet s'inscrit dans une démarche historiographique d'utilité publique [...]" (cf. gay.com du 6-9-2002).

[M. Roméro est par ailleurs le président (et aussi le fondateur) de son association des "Elus Locaux Contre le Sida : Ensemble Luttons Contre le Sida" (ELCS), dont la subvention allouée par la Mairie de Paris avait augmenté de manière substantielle de 10 000 francs (1 600 euros environ) en juin 2000 à 7 623 euros en juillet 2002 ]
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Ainsi l'alliance entre la gauche et la droite se noue sur le dos des lesbiennes pour "éviter les dérapages homophobes", nous dit-on.

Personne ne parle de la lesbophobie. Ni des pratiques hégémoniques de M. Le Bitoux sur les associations gays, lesbiennes et transgenres qui ont déjà travaillé sur le sujet.
Est-ce la nouvelle cohabitation ?

Résultat des courses : Le Conseil de Paris (dont Philippe Seguin) a voté pour et il n'y eut que quelques abstentions de l'opposition.

Faut-il en vouloir à Archilesb! d'avoir oeuvré pour l'égalité en lançant sa pétition début novembre 2002 ?

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- Que faire aujourd'hui ?

Je demande la réunion d'une table ronde rassemblant toutes les personnes concernées par les archives et l'histoire de l'éros gay, lesbien et l'étude des genres.

Pour faire cesser les polémiques inutiles, je propose que cette table ronde soit tenue sous l'égide de l'Observatoire pour l'égalité entre les femmes et les hommes dont c'est la fonction, me semble-t-il, de s'occuper de ce type de problèmes.
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Il faudra repenser complètement le projet et mettre un terme aux visées hégémoniques de M. Le Bitoux qui divisent la communauté gay tout en reconduisant les pratiques discriminatoires envers les femmes qui relèvent d'un autre temps.
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Monsieur Le Maire,

Nous vous avons élu parce vous vous êtes engagé à lutter contre la discrimination. "Toute forme de discrimination est à proscrire, qu'elle soit de nature raciste, homophobe, sexiste ou autre", avez-vous dit en réponse au questionnaire de la LGP Ile de France.

Et aussi : "Je redis mon engagement à organiser des campagnes de lutte contre toutes les formes de discrimination, y compris celles liées à l'orientation sexuelle".

Vous avez donc au moins deux raisons d'agir : le sexisme et la lesbophobie.

J'en ajouterai une troisième qui est la simple honnêteté intellectuelle.

Dans cette attente, recevez, Monsieur le Maire de Paris, l'expression de mes sentiments distingués.
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Fait à Paris, le 22 janvier 2003,

Marie-Jo Bonnet
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Copies à :
- Anne Hidalgo - Odette Christienne - Christophe Girard - Clémentine Autain - Nicole Azarro - Fabienne Leleu
- AP CADHP - Jean Le Bitoux
- Archilesb! - Coordination des Lesbiennes en France
- Vigitrans - LopattaQ - Académie Gay & Lesbienne
- aux associations et personnes citées


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1er 1 2006 > par Vincent Espagne [ vespa.over-blog.org ]
http://vespa.over-blog.org/article-1506610.html

Résister - Vivre la mémoire
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Vers un deuxième acte ?

Au printemps 1994, nous nous retrouvons rue Sedaine à une quinzaine. Certains ont travaillé longtemps dans ses locaux, d’autres aujourd’hui y militent.

Les plus anciens se souviennent des assemblées générales du FHAR dans le préfabriqué de l’Ecole des beaux arts, François montre des photographies des premiers défilés. Sur ses images, on en reconnaît beaucoup. Certains sont morts, d’autres, on n’a aucune nouvelle…

Les séances du groupe sont graves. L’appel vient des plus jeunes. Leur génération fait fasse au sida, la précédente avait du rendre visible la différence. L’homosexualité devient un vecteur marchand et c’est par celui là même que se propage le plus facilement le virus.

Les homosexuel(e)s s’organisent en une myriade d’associations et un « centre » tente de les fédérer. On dépose des logos, des titres de presse. Radio Fil rose devient FG...
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Les startellettes en piste !

En quelques mois de préparation de l’acte 1, (pas grand-chose : une exposition à Paris puis à Amsterdam en juin, une brochure), je réalise combien la tâche peut être difficile.

A la question : qui détient les fonds, les épaules se rentrent, les rancoeurs émergent… Avec tout son art, Audrey nous obtient quelques planches que Frank Arnal avait crées en 1979.

Le problème, c’est que le projet d’un Centre d’Archives et de Documentations existe dans les têtes depuis quelques années.

J’en avais déjà entendu parler dans les anciens locaux du CGL à quelques mètres du Dupleix ! [ le projet de Centre d'Archives de la Maison des Homosexualités n'a pas abouti ( malgré les 50.000 francs de subventions du Ministère de la Culture ) ].

Pendant toutes ces années d’agitation égocentrée ( à Pablo, à Jean : n’avez-vous pas le sentiment d’un immense gâchis ? ), rien ne s’est fait et rien n’est fait encore, sinon un dossier quelque part dans un bureau du cabinet du Maire de Paris.

L’institutionnalisation avant l’existence de l’établissement : en voilà une avancée !

Que sont devenues les archives de Guy Hockeinghem, celles de Michel Cressole, celles de Gilles Chatelet ?

J’apprends que celles de Gai Pied ( ou du moins ce qu’il en reste ) sèchent dans des cartons quelque part dans Paris, ( propriété d’un organe de presse ? )
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Confisquer la mémoire,
c’est entretenir la discrimination.

Depuis, c’est sans cesse que des garçons découvrent avec stupeur dans ma bibliothèque « 3 Milliards de pervers - Grande encyclopédie des homosexualités » (1973)  et demandent à entendre mon témoignage, un petit bout d’histoire, désir très important puisqu’elle les concerne en premier chef.

Et je réalise à chaque fois combien la confiscation de la mémoire est un acte plus qu’inconsidéré !

Ne pas faire vivre la mémoire, la rendre visible, c’est la bafouer. C’est pratiquer une discrimination entre ceux qui savent, ceux qui détiennent et ceux qui doivent savoir. C’est entretenir la suspicion, voire la honte. C’est jouer de la spéculation sur un patrimoine collectif.

Aujourd’hui, combien d’entreprises citoyennes font vivre la mémoire ?
- GKC
à Lille [ Centre d'Archives et de Documentation de Gay Kitsch Camp ] ( http://www.gaykitschcamp.com/ )
- et celle de Hoang à Vitry sur Seine [ Conservatoire des Archives et des Mémoires LGBTQ de l'Académie Gay & Lesbienne ] ( http://www.archiveshomo.info/ ),
- bientôt une à Lyon [ Centre de Ressources Documentaires Gays et Lesbiennes de la Bibliothèque Municipale de Lyon ( http://www.bm-lyon.fr/ ) ].

Des structures, non pas rivales mais complémentaires avec leur dynamique propre. Tout cela devrait être immédiatement, de manière permanente et directement visible.

Il s’agit de témoigner des résistances, des luttes, de faire vivre une culture, ou du moins de tenter la démonstration qu’il en existe une.

C’est rendre visibles les immenses influences, les apports intellectuels et sociaux, l’histoire d’une communauté qui n’en est pas vraiment une.
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Mais quelle importance à vouloir faire vivre la mémoire, dès lors que D. (25 ans), revendique le droit à l’indifférence et qu’il réfute la folle attitude qui, pourtant, le caractérise ?

Je ne peux m’empêcher de lui rappeler ce que les acquis qui sont les siens aujourd’hui le sont parce qu’avant lui, des folles se sont battue pour les obtenir. Il n’était question ni de droit à la différence ou à l’indifférence, mais de celui à l’existence.

Puis, en quelques années, le sida a transformé nos organisations naissantes. Que sont devenus les mémoires de nos pairs, de nos amants disparus ? Certes, « Les homosexuel(e)s se reproduisent de bouche à oreille » ( Place Saint Ravy, Montpellier, 1980 ) …

En 2005, on pend les homosexuels à quelques heures d’avion d’ici …

En ces temps de retour de l’ordre moral, le texte/manifeste de Gilles Chatelet « La République des chiennes ne doit pas s’éteindre et ne s’éteindra pas » ( voir ci-joint ) est toujours de vigueur.

Pour résister, faire vivre la mémoire. Vers un deuxième acte ?
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22 5 2003 > Communiqué de l'Association de Préfiguration du Centre d'Archives et de Documentation Homosexuelles de Paris [ AP CADHP ]
9 5 2003 > Assemblée Générale de l'Association de Préfiguration du Centre d'Archives et de Documentation Homosexuelles de Paris [ AP CADHP ]
Lors de son Assemblée Générale annuelle du 9 mai 2003, l'Association de Préfiguration du Centre d'Archives et de Documentation Homosexuelles de Paris ( APCADHP ) a procédé au renouvellement des ses instances.
=> Elle a porté le nombre de son Conseil d'Administration à 10 personnes. Celui-ci, désormais paritaire est composé de :
- Yves Clerget ( Architecte, cofondateur des Mots à la bouche )
- Catherine Daniel ( Psychothérapeute, formatrice à FAG [ FAGG ] )
- René Lalement ( Enseignant, chercheur, ancien Président de l'Inter LGBT )
- Philippe Lasterle ( Historien, documentaliste )
- Catherine Marjollet ( Psychanalyste, cofondatrice de Lesbia )
- Stéphane Martinet ( [ Adjoint au maire du 11ème arrondissement de Paris ], Conseiller culturel [ Conseil Régional d'Ile de France ], ancien Président de HES [ Homosexualités Et Socialisme ] )
- Charles Myara ( Editeur, spécialisé en multimédia et bibliographie, ancien Vice-président du Beit Haverim )
- Geneviève Pastre ( Ecrivain, éditeur, ancienne Présidente de Fréquence gaie )
- Isabelle Serve ( Professeur de droit, Présidente de l'association lesbienne La Lune, Strasbourg )
- Florence Tamagne ( Docteur de l'Institut d'Etudes Politiques de Paris, auteur, professeur à l'Université de Lille 3 )
=> En son sein, le Conseil d'Administration a élu un Bureau, également paritaire :
- Stéphane Martinet, Président
- Florence Tamagne, Vice-Présidente
- Charles Myara, Secrétaire
- Catherine Daniel, Trésorière
=> L'AP CADHP est aujourd'hui dotée d'un local situé 37, rue Notre Dame de Nazareth, 75003 Paris.
=> Le Conseil d'Administration a en outre procédé à la nomination de son responsable du Comité d'acquisition : Jean Le Bitoux [ co-fondateur de l'AP CADHP, ex. Secrétaire ( C.A. 2001 - 2003 ) ]

 
 
 
 

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