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juillet
- août 2003 : Têtu N° 80, page 3 >
édito de Thomas Doustaly, directeur et rédacteur
en chef
http://edito.tetu.com/archives/2003-07
|
.
Histoires de Seconde zone
.
Il faut beaucoup
de talent, et beaucoup de modestie véritable, pour commencer
un livre par «je». Surtout quand on veut se donner le
beau rôle.
On aurait aimé aimer
- le livre de Jean Le Bitoux, Citoyen de Seconde zone
(Hachette Littératures),
- sous-titré Trente ans de lutte pour la reconnaissance
de lhomosexualité en France (1971-2002).
Après
tout, Le Bitoux fait partie des fondateurs de Gai Pied,
qui, entre 1979 et 1992, date de la disparition du journal, a marqué
lhistoire du mouvement gay et lesbien en France.
Par ailleurs,
le récit de son expérience dans les groupes homos
des années 70 et 80 allait, se disait-on, nous offrir un
éclairage nouveau sur lémergence du militantisme
gay dans notre pays.
On
savait Le Bitoux chroniquement hostile à tout ce à
quoi il na pas participé depuis trois décennies
dans le microcosme homo français, mais, naïvement, on
sattendait à une sorte de sagesse nouvelle chez le
bonhomme, récemment remis en piste par le Maire de Paris,
qui lui a confié la mission de Préfiguration
du projet de Centre dArchives et de Documentation Homosexuelles
[CADHP] de
la capitale.
Las
En
refermant son livre, il nous faut malheureusement admettre quon
était bien présomptueux despérer trouver
la moindre branche à laquelle accrocher notre envie daimer
Jean Le Bitoux.
Très
vite, en effet, le lecteur est mal à laise, principalement
à cause de la prétention du dispositif du livre qui
consiste, pour lauteur, à nous raconter sa vie en ponctuant
- chaque chapitre de son existence somme toute modeste (à
lhonneur : gros problèmes dalcool, considérations
domestiques et fins de mois difficiles
)
- de paragraphes pompeusement baptisés
«Analyses historiques et sociologiques».
Rédigée (pas très bien) par
ses amis Hervé Chevaux et Bruno Proth, cette
histoire parallèle prêterait seulement à sourire
si les auteurs nétaient pas si partisans.
Toutes les erreurs,
les demi-vérités et les omissions sont acceptables
dans la partie autobiographique, puisque Jean Le Bitoux est
évidemment libre de raconter son parcours comme il lentend.
- On sourit dailleurs en apprenant au fil des pages quil
a eu lidée de plein de belles choses limportation
dAct Up en France, par exemple ,
juste avant que dautres les réalisent.
- En lisant les passages qui se veulent historiques, on rigole moins.
Comment
Proth et Chevaux peuvent-ils prétendre faire
uvre dhistoriens, avec la distance et la rigueur que
cela suppose, quand ils sengagent par exemple dans une apologie
sidérante de lAFLS [Agence
Française de Lutte contre le Sida]
?
- Entre 1989 et 1994, cette Agence publique de lutte
contre le sida a symbolisé léchec de la gauche
au pouvoir face à lépidémie : durant
ses cinq années dexistence, le nombre des morts a augmenté
de façon absolument dramatique.
- De son inefficacité coupable, de la gabegie financière
qui y régnait, de sa piteuse disparition, pas un mot.
- Pourquoi ? Parce que Jean Le Bitoux était lun
de ses très nombreux experts
Que Le Bitoux
reste fier du travail quil y a accompli est une chose, mais
la mise en perspective historique naurait-elle pas précisément
dû servir à rappeler le contexte et lextraordinaire
hostilité qui sexprimait contre lAFLS
?
On pourrait
multiplier les exemples.
Ce
qui inquiète, cest que cette manière de faire
de son histoire lHistoire avec un grand H semble bien refléter
la direction quon ose qualifier de «scientifique»
dans laquelle Jean Le Bitoux et ses amis engagent
le Centre dArchives et de Documentation Homosexuelles
[CADHP]
dont ils ont la charge à Paris.
Les faits, hélas,
sont têtus.
- Soit
Jean Le Bitoux veut sincèrement rassembler, sans en
exclure aucune, toutes les sources qui pourraient contribuer à
écrire lhistoire des homos français des deux
sexes et, dans ce cas, les chercheurs qui fréquenteront son
Centre dArchives montreront à quel point
lhistoire racontée dans ce Citoyen de Seconde
zone est partielle et partiale.
- Soit il fera de ses archives personnelles lalpha et loméga
de la mémoire homo, et son Centre ne rassemblera
que les vieux souvenirs dune génération de militants
amers.
.
|
octobre
2004 : magazine
Têtu N° 93, page 58 > article de Luc Biecq
http://www.tetu.com/index.php?set_language=en&cccpage=anciens_numeros_2004 |
.
Infos : France
Centre
d'Archives Homos : l'erreur de casting
.
ÉVOQUÉ
DÈS 2001, LE PROJET DE
CENTRE D'ARCHIVES ET DE DOCUMENTATION DES HOMOSEXUALITÉS,
QUI AURAIT DÛ VOIR LE JOUR IL Y A PLUS DE DEUX ANS,
CONNAÎT DE NOUVEAUX AVATARS,
APRÈS LE LICENCIEMENT DE JEAN LE BITOUX,
SON DIRECTEUR
.
Le
Centre d'Archives et de Documentation des Homosexualités Parisien
(CADHP), dont la création a été annoncée
par la Mairie de Paris en 2002, continue de faire parler de lui.
Son
unique salarié, Jean Le Bitoux, figure de la communauté
homosexuelle, vient en effet d'être licencié. Et on ignore
encore l'état réel d'avancement du projet.
.
Pourtant,
l'association du CADHP, présidée depuis un
an par Stéphane Martinet, avait été adoubée
par la mairie de Paris, qui lui a accordé en septembre 2002
une subvention de 100 000 €.
Mais,
aujourd'hui, Stéphane Martinet ne se risque pas à
annoncer une date d'ouverture : "Nous sommes en phase de préfiguration.
Nous publierons nos conclusions fin 2004. Je ne ferai aucune folle promesse."
.
Face
à lui, Phan Hoàng, ex-libraire et président
de l'Académie gaie et lesbienne [Académie
Gay & Lesbienne] depuis 2001, dispose de 30 000 documents,
qu'il stocke chez lui. "Qu'on me donne un local, suggère-t-il.
Je peux ouvrir les portes d'un centre en moins d'un mois. Quinze
bénévoles travaillent avec moi, j'ai les étagères
et le fonds ; j'ai juste besoin du lieu" assure-t-il.
Le président
Martinet ne l'entend pas de cette oreille. Il se réjouit,
au contraire, de partir de rien. "Même si je ne dis pas
que rien n'a été fait", ajoute-t-il.
.
Son
licenciement, Jean Le Bitoux, salarié pendant deux ans,
l'a demandé "contraint et forcé, parce qu'il était
urgent de modifier la façon de travailler". De son propre
aveu, l'ex-journaliste de Gai Pied n'était pas qualifié
pour le poste qu'il occupait.
Pourquoi
l'avoir compris si tard et, surtout, qu'a-t-il fait pendant deux ans ?
Mystère... Interrogé par Têtu, il dit
"avoir beaucoup donné". Mais, comme il attaque
son ex-employeur au tribunal des prud'hommes suite à ce
licenciement, il ne donne pas de détails sur son bilan.
Un jeune
archiviste professionnel a été engagé récemment,
mais Stéphane Martinet ne souhaite pas dévoiler son
identité. "Il n'a pas de fonctions de direction, mais je
vous assure qu'il a toutes les compétences requises",
précise-t-il tout de même.
.
L'association
dispose d'un local dans le Marais et de trois lignes téléphoniques.
Stéphane Martinet rêve d'archives de haute tenue,
comme celles de San Francisco ou de Los Angeles.
Mais
"aucun lieu en Europe ne [lui] paraît extraordinaire".
Visiblement renseigné, il évoque la mauvaise conception
des thésaurus dont se servent les chercheurs LGBT.
Il insiste
aussi sur les conditions de conservation des documents. Aucun appel à
dons n'a encore été lancé, les conditions optimales
de réception et de conservation des documents n'étant pas
réunies : "Il faut penser à cela dès la recherche
d'un local adapté, et nous n'avons entamé aucune démarche
en ce sens."
.
Pour
Phan Hoàng, c'est le monde à l'envers : "Comment
faire un centre d'archives sans archives ?"
.
ArchiQ,
qui regroupe les associations Archilesb, Vigitrans
et Loppataq, a dénoncé la situation dans un
rapport intitulé "La fièvre des archives".
Par la voix de Marie-Hélène Bourcier, ces militants
rappelent la force de la mémoire vivante, qui a fait la légitimité
des centres d'archives américains. "La conception
administrative de l'archivage qui ne stocke que des documents écrits
ne suffit pas. Il faut penser à une archive vive qui illustre les
modes de vie. Pourquoi ne pas stocker des godes ?"
.
Mais
Stéphane Martinet n'entend pas révéler avant
plusieurs mois le fruit de ses réflexions. Après avoir préfiguré,
il va donc... préfigurer, tout en demandant d'autres subventions,
"pour la recherche de locaux, l'appel aux dons et aux legs. Les
premiers 100 000 € ne sont pas consommés, mais mon rôle
est de prévoir".
.
Odette
Christienne, adjointe au maire
de Paris chargée de la mémoire, du monde combattant
et des archives, sollicitée à plusieurs reprises, n'a
pas souhaité répondre aux questions de Têtu.
.
Alors,
quand Stéphane Martinet affirme que ses connexions dans
le milieu culturel et politique servent le projet, on ne demande qu'à
le croire... A
la tête d'un prestigieux conseil d'administration, où l'on
retrouve entre autres personnalités l'historienne Florence Tamagne
et l'auteur Geneviève Pastre, le pro du réseau va
aussi devoir prendre en compte la militance quotidienne.
.
Car
Phan Hoàng, sans titre ni prestige, entend bien transformer
son incomparable collection en uvre utile.
.
|
décembre
2003 : Triangul'ère N° 4 (Ange et Démon
- Arts & Cultures gay), page 179 > par Michael Sibalis
http://www.triangulere.com/revue4_0.htm |
.
Citoyen
de seconde zone : Éditions Hachette
Jean Le Bitoux - Hervé Chevaux - Bruno
Proth
.
Il y a quatre ans,
j'ai entrepris la rédaction d'une vingtaine de notices (en anglais)
sur des personnages gay et lesbiens français pour le Who's
Who in Contemporary Gay & Lesbian History, publié chez
Routledge en 2001. Parmi ces notices, une sur Jean Le Bitoux,
- que je n'avais jamais rencontré mais dont je reconnaissais vaguement
le nom : c'était pour moi le fondateur du Gai Pied,
et rien d'autre.
- Après plusieurs semaines de recherches, j'ai dû reconnaître
l'importance historique de l'homme, auquel j'ai fini par consacrer une
notice beaucoup plus longue que prévue, qui se terminait ainsi
:
" Une carrière de trente ans comme journaliste et militant
politique fait de Le Bitoux une des figures emblématiques
parmi les militants gais qui émergaient des luttes politiques des
années 1960 et 1970 pour fonder et gérer les associations
et les périodiques qui formaient une base indispensable au développement
d'une communauté gaie française au cours des années
1980 et 1990. "
.
Bien que racontée
à la première personne, l'autobiographie d'un tel homme
est forcément loin d'être un simple exercice en narcissisme.
C'est, à travers la vie d'une seule personne l'histoire en abrégé
d'une génération entière d'homosexuels : ses luttes
pour la reconnaissance, ses victoires politiques, ses jouissances, mais
aussi ses souffrances (le SIDA).
En effet, depuis que
Jean Le Bitoux, jeune adolescent à Bordeaux dans
les années 1960, a découvert son homosexualité et
s'est rebellé contre sa famille et sa classe (la bourgeoisie),
sa vie a suivi, presque inévitablement, le trajet de la révolte
homosexuelle déclenchée par les événements
de mai 68.
- Militant au Front Homosexuel d'Action Révolutionnaire
[FHAR] (à Nice plutôt qu'à Paris)
en 1972-73,
- devenu l'âme du Groupe de Libération Homosexuel Politique
et Quotidien [GLH PQ] en 1975-78,
- "candidat homosexuel" aux éléctions législatives
de 1978,
- directeur de publication du Gai Pied de 1979 à
1983,
- président de la Gay Pride en 1988-89,
- fondateur de la Maison des Homosexualités [MDH]
(devenue par la suite le Centre Gai et Lesbien [CGL
Paris] ) en 1991
la
liste de ses activités militantes et des services rendus comme
journaliste à la cause homosexuelle - parfois vivement contestés,
même au sein de la communauté gay - se poursuit ainsi jusqu'à
aujourd'hui,
- où on le retrouve Directeur du Comité de Préfiguration
du Centre d'Archives et de Documentation Homosexuelles de Paris
[AP
CADHP].
En outre (même
s'il ne s'y attarde pas trop et garde certains incidents pour lui-même),
Le Bitoux ne passe pas sous silence les aspects plus intimes de
sa vie.
- Ainsi, il raconte sans complexe comment il sombrait dans la solitude,
la misère et l'alcoolisme au milieu des années 1980, découvrait
ensuite sa propre séropositivité, perdait beaucoup d'amis,
dont Michel Foucault, emportés par ce fléau dévastateur,
mais trouvait enfin l'amour véritable (et durable) avec Émeric
Papiol en 1987.
- Les belles pages émouvantes où Le Bitoux évoque
de tels souvenirs, parfois joyeux, souvent terribles, sont d'une honnêté
admirable.
Toute autobiographie
est forcément partielle et partiale (c'est la nature même
du genre) : un auteur ne peut parler que de ce qu'il a lui-même
vu et vécu et par conséquent les événements
sont présentés d'un point de vue très personnel.
Mais cette autobiographie
est différente des autres, car en fait elle compte deux co-auteurs,
l'éditeur ayant fait appel à un historien (Hervé
Chevaux) et à un sociologue (Bruno Proth) pour épauler
Le Bitoux dans son oeuvre de mémoire.
- Le Bitoux raconte sa vie et ses expériences, mais, au
cours du récit, se trouvent intercalés de longs passages
instructifs, écrits par Chevaux et Proth, qui commentent
et éclaircissent les événements vécus en les
plaçant dans leur contexte social et historique.
- Ces interventions, d'une érudition indubitable et très
bien écrites de surcroît, sans jargon et sans prétention
universitaires, font d'une simple autobiographie un vrai ouvrage d'histoire.
Et elles sont loin d'être la partie la moins intéressante
du livre.
.
Si
tout le monde peut apprécier l'ouvrage et le lire avec beaucoup
de plaisir, le lecteur averti regrettera quelques petites erreurs historiques.
- Par exemple, en 1978 le candidat homosexuel dans le 18e arrondissement
n'était pas Guy Hocquenghem, comme l'écrit Le
Bitoux, mais Alain Sécoué (Hocquenghem
n'étant que son suppléant).
- On peut déplorer aussi l'absence d'un dossier de photographies.
Et quelquefois le
combattant vétéran de tant de batailles passées est
devenu un peu trop conciliant :
- par exemple (mais peut être a-t-il raison
?) il évite d'évoquer le débat actuel autour du projet
du Centre d'Archives [et de Documentation Homosexuelles
de Paris (CADHP)]
- et refuse ainsi d'affronter et confondre les critiques
dont il est la cible, voire la victime.
.
À la fin du
livre, Le Bitoux se demande si son histoire "est atypique
ou non".
En fait, comme n'importe quelle vie,
- celle-ci est à la fois typique - car elle se déroule dans
un lieu spécifique et dans une époque déterminée
-
- et atypique - car chacun a sa propre personalité et suit un chemin
individuel. Cette double réalité donne au livre toute sa
force et tout son intérêt.
.
|
3
7 2003 : illico N° 80, pages 10 et 11 > par Julien
Grunberg
http://www.e-llico.com/content.php?section=portraits&id=35 |
.
Jean Le Bitoux
publie ses mémoires
.
Le fondateur du "Gai
Pied" a vécu en acteur et en témoin privilégié
lhistoire homosexuelle de ces quarante dernières années.
- Un parcours quil raconte en lentrelaçant avec celle
des gays de cette période dans ses passionnants mémoires.
- Rencontre avec un activiste inlassable, aujourdhui
en pointe sur le Centre dArchives Homo [Centre
dArchives et de Documentation Homosexuelles de Paris (CADHP)],
à son domicile parisien.
.
"Je ne voulais
pas faire une autobiographie, je ne suis pas un narcissique". Jean
Le Bitoux met en garde, anticipant toute critique. Comme si la prise
de parole pouvait être indécente.
- Son histoire est longue, lourdement chargée. Alors il met de
lhumour dans ses mots, de la légèreté dans
son babil.
- Dans son appartement encombré de livres, de toiles et de souvenirs,
il a "tellement limpression de venir de la préhistoire
"
Enfant de 1948, ses
premières années à Bordeaux sont marquées
par la figure du père, "le commandeur", capitaine
dans la Marine.
- Très jeune, il se distingue du reste de la famille par ses prises
de position à gauche.
- Il est encore trop tôt pour assumer son homosexualité,
quil vit alors dans lisolement le plus total. "Je nimaginais
pas une seconde que mon petit secret homosexuel puisse rencontrer une
révolte sociale."
- Sa rencontre avec le Front Homosexuel dAction Révolutionnaire
est déterminante : "Le FHAR ma sauvé
dun enfermement définitif."
Le douloureux problème
nest plus tant sa sexualité quune "société
mal foutue" qui lempêche de vivre. Cest le temps
de la libération, de laction, et de tous les excès.
- Pendant que lacide lui "change la tête",
la révolte sociale gronde et rencontre celle de toute une génération.
Jean Le Bitoux se souvient de leuphorie de lépoque
tout en refusant de parler de nostalgie.
- Il noublie pas son manque damour dalors ni la solitude
qui en découle : comme dans son livre, lhistoire intime,
personnelle, na de cesse de croiser la grande.
Avec le GLH
(Groupe de Libération Homosexuelle), en 1975, il
apprend à "structurer son discours".
- Il sagit moins de provoquer que de "communiquer" pour
faire avancer les choses.
- Au détour, il sen prend, une fois nest pas coutume,
à Act Up [Paris], sa violence, et évoque
les négociations sociales que lassociation finit par mettre
en péril : "Il faut gueuler mais pas casser la gueule aux
gens ; après, on tombe soi-même dans le piège de ce
que lon dénonce."
- Narquois, il enchaîne : "Mais ils savent déjà
tout ça, mes amis dAct Up
"
Jean Le Bitoux
est intarissable. Ses digressions entre passé et présent
sont à limage de sa vie : tourbillonnantes.
- Son arrivée dans le journalisme se fera, dit-il, par la porte
du hasard. Rien de plus cohérent pourtant, à en juger son
désir urgent de communiquer, longtemps enfoui durant "les
années de silence" de lenfance.
- Il exulte au quotidien "Libération" (celui
des débuts), où il attrape "le virus du journalisme".
La
création dun nouveau journal finit par simposer ce
sera "Le Gai Pied", qui voit le jour en 1979.
- Le militant Jean Le Bitoux conçoit le titre avec trois
objectifs en tête : "Inventer un nouveau discours, créer
une discussion, même houleuse avec lextrême gauche,
essayer de séduire la gauche pour modifier les lois sociales."
- "La crise Fougeray", telle quil la nomme lui-même,
va changer la donne quelques années plus tard. Lactuel directeur
de la publication de "Illico", Jacky Fougeray,
alors rédacteur en chef du "Gai Pied",
révèle un point de vue divergent sur la presse gay, plus
commercial que celui de Le Bitoux, ce qui longtemps opposera les
deux hommes.
- Aujourdhui, malgré leurs divergences,
Le Bitoux se dit en bon terme avec Jacky Fougeray. Pour
une bonne et simple raison : "Nos batailles, même si elles
ont été parfois violentes, se sont passées à
visage découvert".
Entre temps, lépidémie
du sida progresse, et Jean Le Bitoux découvre sa séropositivité.
- Il évoque encore la responsabilité des uns et des autres,
notamment la longue période de déni par rapport à
la maladie. Le sida fait peur, Le Bitoux veut informer.
- Il se lancera par la suite dans la prévention aux côtés
de AIDES.
Lhomme
est sur tous les fronts, au cur aussi de nombreuses polémiques.
- A ses huit années dactivité [de salarié]
au sein de lassociation [Aides],
- il faut aussi ajouter à son actif la création de la Gay
Pride,
- ou du premier Centre Gai et Lesbien
[ de Paris ( La Maison Des Homosexualités
[MDH] ) ].
- Il est également président du Mémorial de
la Déportation Homosexuelle [MDH],
- et participe activement à la création
du Centre dArchives [et de Documentation Homosexuelles
de Paris (CADHP)], ce qui, là encore, ne lui vaut
pas que des amis, un certain nombre de lesbiennes radicales contestant
violemment le projet tel quil se précise.
Pour Jean Le Bitoux,
tout cela se rejoint : des actions daide, de visibilité,
daccueil, et de mémoire.
- "Il faut être au milieu de la société"
explique-t-il en se réjouissant de ses récentes interventions
sur LCI ou dans VSD.
- Il sinsurge contre "limage danti-capitaliste
forcené" quon tend à lui prêter.
- Et rappelle que, malgré leurs différends, il a su sassocier
avec lentrepreneur David Girard pour sauver la Gay
Pride au milieu des années 80, et "mettre le mouvement
associatif, le mouvement commercial et les journaux ensemble".
Aujourdhui,
seule lépidémie affecte son bilan, globalement positif.
Comme il le fait remarquer, lindex est absent de son livre : "Je
ne voulais pas mettre un cimetière au bout de lhistoire de
ma vie. Cest pas 14 - 18 !"
Lhistoire
gaie a évolué, mais il y a encore des combats à mener,
il le sait.
- Il évoque entre autres le suicide des jeunes homosexuels ou le
rejet des vieux de la communauté.
- Jean Le Bitoux sétonne davoir retrouvé
"intactes" ses colères, se réjouit de lexpérience
de lécriture. Celle dun homme, bien vivant, attelé
à un seul et même projet : "la construction de lhomosexualité."
.
|
.
Histoires de Seconde zone
.
Il faut beaucoup de
talent, et beaucoup de modestie véritable, pour commencer un livre
par «je». Surtout quand on veut se donner le beau rôle.
On aurait aimé aimer
- le livre de Jean Le Bitoux, Citoyen de Seconde zone
(Hachette Littératures),
- sous-titré Trente ans de lutte pour la reconnaissance de lhomosexualité
en France (1971-2002).
Après tout,
Le Bitoux fait partie des fondateurs de Gai Pied,
qui, entre 1979 et 1992, date de la disparition du journal, a marqué
lhistoire du mouvement gay et lesbien en France.
Par ailleurs, le récit
de son expérience dans les groupes homos des années 70 et
80 allait, se disait-on, nous offrir un éclairage nouveau sur lémergence
du militantisme gay dans notre pays.
On
savait Le Bitoux chroniquement hostile à tout ce à
quoi il na pas participé depuis trois décennies dans
le microcosme homo français, mais, naïvement, on sattendait
à une sorte de sagesse nouvelle chez le bonhomme, récemment
remis en piste par le Maire de Paris, qui lui a confié la
mission de Préfiguration du projet de Centre dArchives
et de Documentation Homosexuelles
[CADHP] de
la capitale.
Las
En refermant
son livre, il nous faut malheureusement admettre quon était
bien présomptueux despérer trouver la moindre branche
à laquelle accrocher notre envie daimer Jean Le Bitoux.
Très vite,
en effet, le lecteur est mal à laise, principalement à
cause de la prétention du dispositif du livre qui
consiste, pour lauteur, à nous raconter sa vie en ponctuant
- chaque chapitre de son existence somme toute modeste (à
lhonneur : gros problèmes dalcool, considérations
domestiques et fins de mois difficiles
)
- de paragraphes pompeusement baptisés «Analyses
historiques et sociologiques». Rédigée
(pas très bien) par ses amis Hervé
Chevaux et Bruno Proth, cette histoire parallèle prêterait
seulement à sourire si les auteurs nétaient pas si
partisans.
Toutes les erreurs,
les demi-vérités et les omissions sont acceptables dans
la partie autobiographique, puisque Jean Le Bitoux est évidemment
libre de raconter son parcours comme il lentend.
- On sourit dailleurs en apprenant au fil des pages quil a
eu lidée de plein de belles choses limportation
dAct Up en France, par exemple , juste
avant que dautres les réalisent.
- En lisant les passages qui se veulent historiques, on rigole moins.
Comment
Proth et Chevaux peuvent-ils prétendre faire uvre
dhistoriens, avec la distance et la rigueur que cela suppose, quand
ils sengagent par exemple dans une apologie sidérante de
lAFLS [Agence Française de Lutte
contre le Sida] ?
- Entre 1989 et 1994, cette Agence publique de lutte contre
le sida a symbolisé léchec de la gauche au pouvoir
face à lépidémie : durant ses cinq années
dexistence, le nombre des morts a augmenté de façon
absolument dramatique.
- De son inefficacité coupable, de la gabegie financière
qui y régnait, de sa piteuse disparition, pas un mot.
- Pourquoi ? Parce que Jean Le Bitoux était lun de
ses très nombreux experts
Que Le Bitoux
reste fier du travail quil y a accompli est une chose, mais la mise
en perspective historique naurait-elle pas précisément
dû servir à rappeler le contexte et lextraordinaire
hostilité qui sexprimait contre lAFLS
?
On pourrait multiplier
les exemples.
Ce
qui inquiète, cest que cette manière de faire de son
histoire lHistoire avec un grand H semble bien refléter la
direction quon ose qualifier de «scientifique»
dans laquelle Jean Le Bitoux et ses amis engagent le Centre
dArchives et de Documentation Homosexuelles [CADHP]
dont ils ont la charge à Paris.
Les faits, hélas,
sont têtus.
- Soit
Jean Le Bitoux veut sincèrement rassembler, sans en exclure
aucune, toutes les sources qui pourraient contribuer à écrire
lhistoire des homos français des deux sexes et, dans ce cas,
les chercheurs qui fréquenteront son Centre dArchives
montreront à quel point lhistoire racontée dans ce
Citoyen de Seconde zone est partielle et partiale.
- Soit il fera de ses archives personnelles lalpha et loméga
de la mémoire homo, et son Centre ne rassemblera
que les vieux souvenirs dune génération de militants
amers.
.
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Etre homo en France
.
Pour le fondateur
du journal Gay Pied [ Gai Pied ] et pour l'historien,
dévoiler son homosexualité reste difficile.
"
Dénoncer quelqu'un, c'est produire une indignation sociale, toujours
désastreuse " : Jean Le Bitoux.
.
Co-auteurs des Citoyens de seconde zone (Hachette Littératures),
- le militant Jean Le Bitoux, créateur
de la Gay Pride et du futur Centre des Archives Gays
et Lesbiennes [Centre d'Archives et de Documentation
Homosexuelles de Paris (CADHP)],
- et l'historien Hervé Chevaux
analysent l'évolution de la cause homosexuelle en France
depuis trente ans.
[...]
VSD
:
Le troisième âge, c'est encore tabou ?
Jean
Le Bitoux :
Plus vous êtes âgé, plus vous êtes discriminé.
L'apologie de la jeunesse permanente en vogue dans le Marais est
insupportable !
.
VSD
:
Une nouvelle exigence du lobby gay ?
Jean
Le Bitoux :
Il n'y a qu'un seul lobby, celui des commerçants.
Et ces gens-là ne font pression que pour une chose : leur business.
[...]
|
26
6 2003 : L'Express
pages 46 et 47 > par Marion Festraëts
http://www.lexpress.fr/info/societe/dossier/homos/dossier.asp?ida=397366 |
.
Minorités
Les
homos en panne de cause
.
Autrefois fédérés
par la lutte contre le sida et par le combat pour le Pacs,
les gays et lesbiennes font aujourd'hui face à une société
plus compréhensive. Ce qui ne les empêchera pas de marcher
contre l'homophobie samedi 28 juin
Combattre
l'homophobie et les discriminations : depuis quelques années, les
slogans de la Marche des fiertés lesbienne, gaie, bi et trans
- ex Gay
Pride - qui aura lieu le 28 juin à
Paris, semblent bégayer.
- Au point que, au-delà de l'indéniable aspect festif de
cette manifestation, on en vient à se demander si ce défilé
a encore un sens politique.
- En panne de proposition nouvelle, de projet social fédérateur
depuis le vote du Pacs, en 1999, la cause homo semble aujourd'hui
chercher le souffle qui l'avait portée durant les «années
sida».
Le
consensus mou autour de la lutte contre l'homophobie masque mal un déficit
patent de revendication forte.
Au sein d'une société
désormais plutôt compréhensive et tolérante,
- les élucubrations d'une Brigitte Bardot
- ou les dérapages d'une Françoise de Panafieu -
«Lorsqu'on est Maire de Paris, on n'a pas vraiment sa place
en tête de la Gay Pride», selon la Maire
du XVIIe arrondissement -
jettent le discrédit sur leurs auteurs plus que sur leurs cibles
: le député UMP Claude Goasguen s'est
empressé de préciser que les propos de Françoise
de Panafieu n'engageaient qu'elle.
Les homos doivent-ils
faire le constat qu'ils ont peut-être, en fait, obtenu l'essentiel
?
.
L'affaire
a mis en émoi tout le petit monde associatif gay : le 11 avril,
une poignée de militants d'Act Up [Paris]
ont saccagé le siège des éditions
Blanche parce que cet éditeur de littérature
érotique avait publié
- Serial Fucker. Journal d'un barebacker, d'Erik
Rémès.
- L'ouvrage, contestable (et contesté), décrit les tribulations
d'un homo séropositif contaminant délibérément
ses partenaires.
«Le règne
de l'hétérosexualité»
Ce énième
coup d'éclat - dit «zap» en langage «actupien»
- de l'association emblématique des années 1990 a laissé
plus que perplexes les militants homos.
«En
faisant une telle publicité à ce livre, Act up
est tombé dans le panneau,
- estime Jean Le Bitoux,
auteur de Citoyen de seconde zone Trente ans de lutte pour
la reconnaissance de l'homosexualité en France (avec
Hervé Chevaux et Bruno Proth, Hachette
Littératures).
Rémès écrit des choses condamnables, mais ce
genre de procédé traduit l'essoufflement idéologique
de cette association. On n'est plus dans l'explication sociale, on est
dans la vengeance gratuite.»
Les outrances d'Act
up traduisent la fin d'une époque, ces années 1980
et 1990 durant lesquelles l'union sacrée des militants homosexuels
s'était accomplie au nom de la lutte contre le sida.
- «L'époque était au «nous», elle est
désormais au «je», témoigne William Pettex-Sorgue,
créateur et président de
www.citegay.com, le plus important site homo européen - 967
000 visiteurs par mois.
.
-
«Le Pacs nous a donné une respectabilité,
nous a sortis du cliché des gays festifs en officialisant la légitimité
des couples homos», estiment Ronan Rosec et Laure
Lagardère, à la tête de SOS-Homophobie,
association qui publie chaque année un rapport sur les discriminations
ou les insultes dont sont victimes les homosexuels.
Moins politisée qu'à ses débuts, SOS-Homophobie
réclame que les actes et propos discriminants soient punis par
la loi, à l'instar du racisme, et qu'une information sur l'homosexualité
soit dispensée à partir du collège :
- «Il s'agit simplement de rompre l'isolement
des jeunes qui se posent des questions sur leur orientation sexuelle et
qui ne trouvent aucune référence positive à l'homosexualité
dans leur environnement.»
Pourtant,
les mentalités ont progressé, au point qu'aujourd'hui un
personnage politique peut révéler son homosexualité
sans choquer personne, alors qu'une telle démarche semblait inconcevable
il y a dix ans.
- Selon Louis-Georges Tin, qui a dirigé le tout récent
Dictionnaire de l'homophobie (PUF), la discrimination
des homos va bien au-delà de la simple insulte lancée dans
la rue :
- pour ce spécialiste des études gaies
et lesbiennes, qui parle également de «gaiphobie»,
de «lesbophobie», de «biphobie» et de «transphobie»,
«l'origine profonde de l'homophobie est sans doute à rechercher
dans l'hétérosexisme, qui est ce règne de l'hétérosexualité
obligatoire [...]. En effet, ce régime tend à constituer
l'hétérosexualité comme la seule expérience
sexuelle légitime, possible et même pensable...»
.
«Depuis
le Pacs, on assiste à un immense bavardage sur
tout et rien»
Débattue
en long et en large par les idéologues de la communauté,
la question des genres et des identités sexuelles est aujourd'hui
au cur de tous leurs différends.
«Depuis
le Pacs, on assiste à un immense bavardage sur tout et rien.
On devrait peut-être commencer par se pencher sur notre histoire»,
commente Jean Le Bitoux, chargé de piloter le futur
Centre d'Archives et de Documentation Homosexuelles de Paris.
Un
projet qui cristallise à nouveau les vieux antagonismes entre lesbiennes
radicales et gays un brin misogynes, entre tenants du différencialisme
et partisans du droit à l'indifférence.
-
L'historienne féministe Marie-Jo Bonnet
- et Marie-Hélène Bourcier, théoricienne
du mouvement queer
- qui étudie et remet en question les genres et les identités
sexuelles -
ont d'ailleurs lancé une pétition
dénonçant l'exclusion des lesbiennes du projet et la «superficialité»
de la réflexion en cours.
Et
les homos de s'accuser mutuellement de discrimination ...
.
Ces querelles de chapelle
semblent très éloignées des préoccupations
quotidiennes des homos «de base».
- La sociologue Françoise Gaspard souligne d'ailleurs «la
dissémination du militantisme au contact du terrain» : «Les
moins de 40 ans préfèrent se retrouver dans des associations
de convivialité, pour randonner, skier ou parler portugais. On
voit émerger de nouvelles formes de revendication et de militantisme
à travers une nuée d'associations au sein des entreprises,
des institutions ou des administrations»: à La Poste,
à la SNCF, dans l'armée, dans la police,
au sein d'HEC ou de Sciences po, etc.
- «Nos jeunes internautes n'ont pas l'air de mal vivre leur homosexualité,
remarque William Pettex-Sorgue. Eux qui n'ont pas vu mourir des
dizaines d'amis, comme notre génération, s'impliquent dans
des activités de loisir plutôt que dans les grands mouvements
historiques.»
.
Plus
que le droit à la différence, la majorité des homos
réclament aujourd'hui le droit à l'indifférence.
Et
à l'égalité avec les couples hétéros
: l'homoparentalité les motive plus que les débats autour
du queer.
Ils veulent
pouvoir adopter en couple et avoir accès à la procréation
médicalement assistée. Et lorgnent vers l'étranger
:
- en 2002, la Suède autorisait les couples du même
sexe à adopter des enfants, comme aux Pays-Bas et dans certains
Etats d'Amérique du Nord.
- En Grande-Bretagne, en Belgique et en Espagne,
les lesbiennes ont accès à l'insémination artificielle
tandis
qu'après la Belgique et les Pays-Bas, le Canada
s'apprête à légaliser le mariage entre homosexuels
(voir l'encadré).
«Ces
revendications obéissent à une sorte d'agenda international,
souligne Marie-Hélène Bourcier. Ce
qui est réclamé et obtenu aux Etats-Unis ou en
Australie sera réclamé et - vraisemblablement -
obtenu en France.»
Si les homos y tiennent
assez pour se mobiliser.
. |
mars 2003 : IBnews,
pages 6 à 8 > par Patrick Rogel, directeur de la rédaction
http://www.atitud-inn.com/index.php?pid=2&rid=5&srid=25&ida=246
http://www.gayvox.com/edito/?id_rub=7&id_srub=36&id_dossier=738&idmenu=6
http://www.tassedethe.com/cadres/journal.htm
|
.
Jean Le Bitoux défend son Centre
.
La polémique
a fait rage ces deux derniers mois autour du projet
de Centre d'Archives et de Documentation Homosexuelles de Paris
(CADHP) que ce soit
- dans la presse généraliste (Libération,
Télérama...)
- ou homosexuelle (Illico, Têtu...).
Pour la 1ère
fois, la parole est donnée au principal intéressé,
Jean Le Bitoux,
qui répond aux critiques formulées à son encontre.
- Il dénonce notamment «une campagne d'intoxication dont
[il n'a] toujours pas compris le but».
- Il affirme avoir vécu «avec beaucoup d'amertume»
cette polémique : «Les critiques étaient injustes
et les chiffres avancés étaient erronés. On était
entre la démagogie et la désinformation. J'en suis d'autant
plus étonné qu'il y a quelques années Marie-Hélène
Bourcier et Marie-Jo Bonnet avaient écrit dans des journaux
que je dirigeais... Mais je ne confonds pas les lesbiennes et les lesbiennes
radicales».
.
IBnews
a également recueilli les réactions à cette interview
:
- de Phan Hoàng ([président de l']Académie
Gay & Lesbienne),
- Patrick Elzière [ PDG de gayvox.com
,
qui a racheté les archives du groupe de presse Gai Pied
],
- de Lionel Duroi (éditorialiste à gayvox.com),
- et de Marie-Hélène Bourcier (auteur de la pétition
"Pour que cesse l'exclusion des lesbiennes du [projet de] CADHP").
.
Interview
exclusive de Jean Le Bitoux à IBnews
.
Après
avoir créé Gai Pied, vous en avez claqué la
porte il y a 20 ans. Depuis, des méchantes rumeurs vous ont dit
«ruiné», «isolé» et même mort
...
Jai en effet
démissionné de Gai Pied en 1983 avec une trentaine
de journalistes. Cette démission ma
empêché de minscrire au chômage.
- Sen sont suivies des années de misère au cours desquelles
jai également appris ma séropositivité.
- Jai ensuite rejoint Aides puis Arcat-Sida
qui ma confié la rédaction en chef du Journal
du Sida.
- Je nai pas pour autant cessé de militer aux cotés
du mouvement homosexuel, étant de ceux qui, entre 1988 et 1998,
ont reconstruit la Gay Pride Parisienne sur des bases politiques
et non plus commerciales.
- Je suis également lun des co-fondateurs du Centre
Gai et Lesbien (CGL) de Paris.
- Jai également aidé à rédiger les souvenirs
de Pierre Seel, le seul Français à témoigner
de sa déportation pour homosexualité.
- Jai plus récemment fait paraître un ouvrage historique
sur la déportation, Les oubliés de la mémoire
et participé à 2 dictionnaires à sortir
en mai, celui de Didier Eribon et celui de Louis-Georges Tin
[...].
- A la même période, je sors un ouvrage
qui raconte conjointement ma longue vie militante et lémancipation
des homosexuels et des lesbiennes durant ces 30 dernières années.
Je nai donc pas disparu, même si régulièrement,
on mannonce mort...
.
Votre
projet de Centre dArchives et de Documentation Homosexuelles
(CADH) a bénéficié du vote dune subvention
de 100.000 euros par le Conseil de Paris. Etes-vous reconnaissant
à Bertrand Delanoë pour cette résurrection ?
Il
est vrai que nous en avons peu parlé, notamment lors des Universités
dEté de Marseille
[UEEH] ...
Mais je voulais dabord être sûr que ce projet était
sur les rails... Il a 4 axes :
- les archives pour les chercheurs;
- un large service de documentation pour les jeunes générations,
les journalistes et toute personne qui souhaite se renseigner sur lhistoire
de lhomosexualité en France au 20e siècle;
- également une grande bibliothèque culturelle
- et - nous lespérons - un espace dexploitation qui
puisse servir dauditorium.
- Enfin, un très important site Internet.
.
Des
voix ont critiqué le peu de place qui serait fait aux lesbiennes
dans ce projet. La municipalité, au travers de Christophe
Girard, a été la plus fortement attaquée, mais
vous navez pas été épargné non plus.
Comment avez-vous vécu cette polémique ?
Avec beaucoup damertume.
Les critiques étaient injustes et les chiffres avancés étaient
erronés. On était entre la démagogie et la désinformation.
Jen suis dautant plus étonné quil y a
quelques années Marie-Hélène Bourcier et Marie-Jo
Bonnet avaient écrit dans des journaux que je dirigeais...
- Mais je ne confonds pas les lesbiennes et les
lesbiennes radicales.
- Nous travaillons depuis des mois avec des lesbiennes qui sont enseignantes,
journalistes, photographes, historiennes, psychothérapeutes ou
écrivaines disposant darchives ou de temps à consacrer
à ce projet. Elles font partie depuis le début de nos nombreux
groupes de travail.
.
Au-delà
de cette querelle de clocher, on vous reproche une méthode: manque
de concertation, absence, voire rétention dinformation. Etes-vous
en mesure de rassurer le public ?
Quant à notre
«manque de concertation», il ne nous a pas empêché
davoir déjà rencontré les présidentes
du PASST, de la Coordination Lesbienne Nationale
ou de lassociation transgenre Caritig. Le contact
a été positif.
Je remercie par ailleurs le soutien renouvelé
de lHôtel de Ville [Mairie de Paris]
- ainsi que celui de lInter-LGBT
[la Gay Pride Parisienne, ndlr]
- et les journalistes des magazines Illico
et Têtu pour leur lucidité tout au long de
cette campagne dintoxication dont je nai toujours pas
compris le but.
.
Durant
lété, il y avait eu lépisode des archives
de Gai Pied, qui trouvaient un nouveau propriétaire. Ce
dernier, le site gayvox.com
, semble avoir été froissé que vous déclariez
quil devrait vous les céder pour un euro symbolique ...
Je sais. Cest
une regrettable erreur dinterprétation du journaliste de
Têtu. Cest un article épouvantable.
- Jai écrit immédiatement au rédacteur
en chef de ce mensuel pour lui signaler les graves erreurs dont
larticle était truffé.
- Comment également raconter que je naurais
pas darchives ? 80.000 documents attendent que je les cède
au Centre.
- Sur lhistoire falsifiée de Gai
Pied, mon ami historien Chevaux qui écrit
un livre sur ce journal a de son côté envoyé 5 pages
de rectificatifs [...]. Un très sobre erratum a été
publié le mois suivant.
- Je regrette de ne pas avoir envoyé le double
de ces courriers à Gayvox, qui a dû légitimement
soffusquer de cette assertion alors que nous avions eu une
première rencontre des plus sympathiques, discutant ensemble de
ce fonds historique.
.
Dailleurs,
pourquoi cet intérêt pour des archives papier, alors que
vous décrivez le portail Internet du CADHP comme un de ses
«piliers» ? En ce qui concerne Gai Pied, pourquoi ne
pas plutôt poursuivre larchivage informatique, déjà
bien entamé ?
Nous ne privilégions
absolument pas lun par rapport à lautre.
- Je pense même que le site va absorber la moitié de lénergie
du Centre car il faut que, depuis chez soi, on puisse accéder
aux documents essentiels de cette histoire que nous aurons pu collationner.
- Nous pensons également créer des passerelles avec les
principaux sites darchives : Berlin, Amsterdam, San Francisco,
Los Angeles, Amsterdam ...
.
Que
pensez-vous du projet de lAcadémie
Gay & Lesbienne ? Sil se concrétise, ça
fera 2 centres darchives à Paris. Au moment
où lon reparle de décentralisation, pourquoi ne pas
avoir proposé votre CADH à des villes en régions
?
Des échanges
et des partenariats seront également - je lespère
- signés avec les archives régionales gays déjà
existantes, comme à Lyon, Lille, Marseille [?] ou Rennes.
.
Votre
planning annonce que vous auriez déjà du dépasser
la «préfiguration active» du projet [CADHP].
Quelles en sont les prochaines étapes ?
Nous allons intégrer
dans les quelques semaines un local de travail pour tout le travail de
préfiguration.
- Nous allons également faire létat
des lieux des dons déjà acquis, dont limportance est
telle que nous cherchons en urgence un entrepôt bénéficiant
de toutes les garanties de conservation.
- Nous ferons peut-être bientôt une
exposition de ces premiers dons et legs.
- Les grands axes de la bibliothèque commencent à se définir
avec une commission paritaire.
- Une vingtaine dinternautes et de documentalistes étudient
la logique de nos méthodologies.
- Nous poursuivons nos négociations en direction
des collectivités territoriales, des dons et legs futurs, et du
mécénat privé.
Car nous souhaitons un très grand Centre qui soit
celui de toutes et tous et qui devrait ouvrir en 2004.
.
Les
réactions de :
- Patrick Elzière
[ PDG de gayvox.com
,
qui a racheté les archives du groupe de presse Gai Pied
]
- Lionel Duroi [ éditorialiste de gayvox.com
]
- Marie-Hélène Bourcier [ pétition d'Archilesb
! > Pour que cesse l'exclusion des lesbiennes du projet
de CADHP ]
- et Phan Hoàng [ président de l'Académie
Gay & Lesbienne ]
réagissent aux propos de Jean Le Bitoux.
.
Jean
Le Bitoux nous affirme navoir jamais demandé que Gayvox
lui cède les archives de Gai Pied pour un euro symbolique.
Quen est-il vraiment ? Quels sont vos projets quant à ces
documents ?
Patrick Elzière
[ PDG de gayvox.com
] :
Lorsque nous nous sommes rencontrés fin juillet
dernier, Jean Le Bitoux a demandé que Gayvox
lui fasse don de ces archives papier.
Je lui ai répondu pourquoi pas à
la condition
- davoir la certitude que le projet tienne la route
- et nait pas une épée de Damoclès
au-dessus de la tête;
- à savoir ne pas dépendre que dun financement
municipal pouvant être remis en cause.
Pour linstant, je préfère quelles restent là
où elles sont dans lattente dun projet
abouti.
.
Sur
Gayvox, vous avez largement relayé la polémique en
évoquant la «négation» des projets similaires.
Par ailleurs, vous estimez que le CADHP résulte dune
«conjonction dinitiatives personnelles» et que son affichage
associatif nest quun «prétexte» ...
Lionel Duroi
[ éditorialiste de gayvox.com
] :
Le document présenté à Gayvox,
qui avait un certain contenu, nest pas le même que celui qui
a été soumis au financement de la Ville [de
Paris].
- Jai trouvé un peu vaseux, pour crédibiliser le projet,
de gonfler la liste de soutien.
- En fait, je me suis aperçu que les projets
similaires navaient pas été contactés.
Le CADHP - pour lequel le seul consensus vient de
lInter-LGBT - a même fait ricaner certains en
Province...
- Jean Le Bitoux, au nom de ses ouvrages,
sinscrit comme le «pape» de la mémoire gay.
- Projet élitiste, le CADHP sappuie sur quelques
personnes qui sestiment au-dessus du panier et espère rameuter
les foules ...
.
Vous
avez dénoncé la sous-représentation des lesbiennes
dans le projet. Jean Le Bitoux reproche quant à lui la «démagogie»
et la «désinformation» de «lesbiennes radicales».
Quen pensez-vous ?
Marie-Hélène
Bourcier [ pétition d'Archilesb
! > Pour que cesse l'exclusion des lesbiennes du projet
de CADHP ] :
Pour ce qui est des «lesbiennes radicales»,
Jean Le Bitoux prouve une nouvelle fois quil ne connaît
pas le mouvement lesbien.
- Un des problèmes du Centre -
en plus dêtre une coquille vide et un projet de papier -
est de mettre en avant la primauté historique de lhomosexualité
masculine, ce qui une erreur.
- Par ailleurs, la bonne moitié des noms
des membres des Comités du CADHP sont bidons.
A propos de «démagogie», je renvoie
la balle à M. Le Bitoux et lui demande dêtre
transparent. Quil cesse en particulier de refuser de se rendre sur
les plateaux télé !
.
Jean
Le Bitoux na pas souhaité
nous donner son avis sur lAcadémie Gay & Lesbienne.
A votre tour, pouvez-vous nous dire ce que vous pensez du CADHP
?
Phan Hoàng
[ président de l'Académie
Gay & Lesbienne ] :
Beaucoup de gens se sont sentis agressés
par ce projet hégémonique de CADHP.
- Cest le fait daffirmer que tout ce qui avait été
fait avant lui était nul et non avenu qui a créé
le bordel.
- Lorsque nous nous sommes créés,
nous navons eu, par exemple, aucun problème avec le CGL
de Paris, qui possède lui aussi une Bibliothèque.
Cest dailleurs aux petits CGL de Province
que nous comptons céder une partie de nos archives.
.
Illico
a parlé de «lutte de pouvoir» et de «mauvaises
querelles» faites au CADH. Il est vrai que si votre projet
se concrétise, ça fera 2 centres darchives
à Paris ...
Phan Hoàng
[ http://www.archiveshomo.info/
] :
Le projet de lAcadémie Gay & Lesbienne date de
lan 2000 : création dun site, dépôt de
la marque et [en 2001 :] dépôt des statuts.
- Soit bien avant que Bertrand Delanoë
ne soit candidat à la Mairie [de Paris] et
- répondant à une question de lInter-LGBT
- ne se déclare favorable à la création
dun centre darchives.
- Nous possédons 20.000 documents et y donnons accès.
Ce nest pas nous qui avons copié le
CADHP, avec lequel nous sommes complémentaires.
.
|
27 4 2002 : fr.gay.com
> par Olivier Monnot, rédacteur en chef
http://www.intl-fr.gay.com/index.html
http://www.monnot.net/articles.htm#lebitoux
|
.
Interview de Jean Le Bitoux, président
du
Mémorial de la Déporation Homosexuelle
[MDH]
.
Jean Le Bitoux
est président du Mémorial de la Déportation
Homosexuelle [MDH].
- A l'occasion de la journée nationale du Souvenir de la déportation,
il a accordé un entretien à Gay.com.
- Il vient de publier chez Hachette un livre sur la déportation
des homosexuels, à lire absolument : "Les oubliés
de la mémoire".
.
Jean,
pouvez-vous rappeler votre parcours militant ?
Je suis
de la génération qui a eu 20 ans en mai 68.
- Le mouvement homosexuel a démarré en 1971. J'étais
alors étudiant à Nice, je lisais la presse d'extrême
gauche, et j'ai lu un article sur la révolte des gays et des
lesbiennes à Paris.
- J'étais frustré, parce que ça se passait à
Paris et que j'étais à Nice. J'ai alors fondé
le FHAR (Front Homosexuel d'Action Révolutionnaire).
- Puis je suis venu sur Paris continuer le travail associatif.
- En 1975, j'ai participé aux Groupes de Libération
Homosexuelle [GLH].
- Après je suis allé à Libération,
et j'ai attrapé le virus du journalisme.
- En 1979, j'ai décidé de faire un grand journal homosexuel,
Gai Pied, qui a tenu jusqu'en 1994, mais en 1983, j'avais
claqué la porte de ce journal que je trouvais trop commercial.
- En 1985, j'ai aidé à la mise en place de l'association
AIDES, je me suis occupé pas mal de prévention
gay.
- Dans les années 80, j'ai rencontré un vieux monsieur,
il s'appelait Pierre Seel, il m'a raconté son drame de déporté
homosexuel.
- En 1989, j'ai créé le Mémorial de la déportation
homosexuelle.
Un
mois après la publication des travaux de la commission historique
sur la déportation homosexuelle, quelles conséquences
il a eu ?
Une conséquence
directe : une reconnaissance plus forte de la déportation homosexuelle
en France.
- On a obtenu que le triangle rose soit sur les bannières
des monuments pendant la journée nationale du Souvenir,
qui a lieu le 28 avril. [...]
Avec
un an de recul, quel impact ont eu la déclaration de Lionel
Jospin sur la déportation homosexuelle, et la présence,
pour la première fois l'an dernier, du maire de Paris et
d'autres élus pendant le dépôt d'une gerbe par des
associations gays ?
La déclaration de Jospin, le 23 avril 2001 a mis en fureur
les Fédérations de déportés,
qui depuis 1976, se sont liguées contre nous, dans une homophobie
de leur grand âge, et ils considèrent presque que les homosexuels
dans les camps l'avaient bien mérité, puisque "ce sont
des pervers". [...]
On
a encore plus de mal à comprendre l'homophobie quand elle concernent
des anciens déportés, et que les homophobes ont souvent
eux-même été déportés...
Je ne me l'explique pas.
- On ne trie pas dans le malheur.
- Le dossier les gênait beaucoup, parce que c'était des univers
entre hommes, contraints de vivre ensemble, et tous ces déportés,
ont dû, bien évidemment, pratiquer pour certains d'entre
eux l'homosexualité. [...]
Comment
expliquer qu'il a fallu 50 ans pour que la reconnaissance commence ?
Dès 1971, j'avais lu un petit article sur les Triangles Roses.
- C'était un témoignage anonyme, qui avait été
publié dans les années 60 dans la revue homosexuelle Arcadie.
[...]
Comment
Pierre Seel, qui était officiellement le seul déporté
homosexuel français, a-t-il réagi à la publication
du rapport ?
Pierre a d'abord été terrifié par le chiffre.
- On en parlait souvent tous les deux, du chiffre, et on pensait à
20, 30, ou 40 déportés homosexuels...
- On ne se rendait pas compte. Là on est sur 210 personnes uniquement
pour l'Alsace. [...]
Quelles
nouvelles informations sur la déportation de Pierre Seel
cette liste a-t-elle donné ?
Pour Pierre, on avait déjà la trace de son arrivée
dans le camp de Schirmeck.
- Après avoir été torturé pendant 10 jours
par la Gestapo pour qu'il fournisse des noms, il avait été
emmené dans un panier à salade de la police française
dans le camp de Schirmeck, où on lui a mis une barrette
bleue, celle des asociaux. [...]
Que
manque-t-il encore pour que la déportation des homosexuelles soit
enfin pleinement reconnue et qu'on puisse passer à un souvenir
plus apaisé ?
Je crois qu'on est dans les dernières années du combat pour
cette reconnaissance. On va pouvoir, enfin, clore le dossier. Dans deux
ans, la commission historique aura sans doute fini ces travaux.
- On a obtenu que le Triangle Rose soit sur les bannières
des monuments nationaux.
- On devrait obtenir que les homosexuels soient pleinement associés
à la Journée Nationale du Souvenir de la Déportation.
[...]
Votre
livre est-il un aboutissement de votre travail sur la déportation
?
Oui, c'est
un peu un rapport d'activité. J'ai créé le
Mémorial de la Déportation Homosexuelle [MDH]
en 1989.
- Je pense que je suis en train de terminer un travail que j'ai porté
pas mal tout seul, parce que c'est un sujet tellement tragique que ça
ne fascine pas beaucoup les militants gays. [...]
Comment
jugez-vous le regard de la communauté gay sur la déportation
des homosexuels, et comment votre livre va-t-il aider à mieux la
connaître ?
Je pense que le livre va permettre de comprendre ce qu'est l'homophobie
la plus extrême. Il y a pire que d'être insulté ou
bousculé ! C'est être convoqué au commissariat et
ne jamais en ressortir, être torturé pour donner la liste
de ses amis homosexuels...
- Je voudrais que la communauté gay et lesbienne
se rende compte que cette haine est toujours autour de nous. [...]
- Donc méfions-nous, restons vigilants. Le cauchemar peut revenir
facilement. Et souvenons-nous de Berlin dans
les années 30, où la situation était très
semblable à la situation à Paris aujourd'hui.
- Ca n'a pas empêché Hitler, en deux mois, de fermer
les lieux gays, de tabasser les homosexuels, de les convoquer, de les
torturer, de brûler les bibliothèques, de dissoudre les associations,
d'instaurer un couvre-feu le soir... et les homosexuels sont rentrés
chez eux - quand ils n'avaient pas été raflés - en
vivant dans la peur pendant toute la guerre.
Le
combat pour la reconnaissance de la déportation homosexuelle, qui
s'achève, est-il votre dernier combat de militant ?
Non, c'est l'avant dernier ! Le dernier, c'est la
mise en place à Paris d'un Centre d'Archives et de
Documentation Homosexuelle[de Paris (CADHP)]
, sur lequel je travaille depuis deux ans.
- Bertrand Delanoë l'a inscrit dans ses engagements de mandature,
on a commencé les négociations avec l'Hôtel de
ville, les choses avancent.
- Le projet, ce serait presque de refaire un Centre Hirschfeld
à Paris, et de pouvoir rassembler toute la presse homosexuelle
depuis le début du siècle, tous les papiers associatifs
qui nous racontent cette histoire, d'avoir une vraie bibliothèque
culturelle gay et lesbienne, d'avoir un site Internet pour pouvoir accéder,
sans bouger de chez soi, à des documents importants de l'histoire
des homosexuels.
- On aimerait avoir un rayonnage conséquent sur la question
lesbienne, qui est toujours passée à l'as, sur la
question transsexuelle aussi. Il y a une culturelle transsexuelle
depuis le début du XXe siècle, quand on parlait de troisième
sexe...
- C'est un projet très important. On a un an et demi de phase de
préfiguration, et on va peut-être fusionner avec le projet
de Grand Centre Gay et Lesbien, et avec la Maison des
Associations et de Services Associatifs.
- On pourrait imaginer un petit immeuble dans Paris, qui serait
un Centre d'Archives et de Documentation, et aussi un Centre
de Services pour les homosexuels, et les journalistes, les historiens,
les chercheurs...
- Mais
il faut aussi des fonds privés et conséquents pour pouvoir
tenir le choc si on a des périodes sans subventions.
Sur
un plan plus personnel, avez-vous dans l'idée d'écrire un
livre sur votre histoire de militant, et sur ce que vous avez vécu
?
Dis donc, ça c'est de l'intuition ! Oui, exactement. J'ai attrapé
le virus des bouquins.
- J'ai déjà signé pour un prochain
livre où je raconte trente ans d'émancipation homosexuelle,
ce que j'ai fait de ces trente années, entre 20 ans et 50 ans,
comment j'ai vécu le SIDA, et les structures gays, et les
querelles, et les pressions politiques, négatives ou positives.
- Je l'écris avec un historien et un sociologue qui posent, dans
chaque chapitre, le contexte social et culturel de ce que je raconte.
Ce sera une sorte de rapport d'activité. Il sortira dans
un an.
.
|
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3 2001 : illico N° 26, page 12 > par JFL
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Les pédophiles, boucs émissaires des
homos
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Ancien co-fondateur
et rédacteur en chef de "Gai Pied", Jean
Le Bitoux, observateur engagé,
depuis les années 70, revient sur les rapports entre militants
homos et militants pédophiles.
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Lenfant
En
France, lhomosexualité vient dune culture pédophile
avec André Gide.
- En 1968, il existait même un Comité
dAction Pédérastique Révolutionnaire.
- Dans le discours du GLH à partir de 1975, il y
a tout un héritage du FHAR notamment sur la question
pédophile. A lépoque, il sagissait de libérer
son corps, libérer ses fantasmes. Il ne faut pas oublier quà
cette époque-là la majorité est à 21 ans,
ce qui est bien tard.
- Dans les années 70 , tout est à libérer y compris
lenfant qui est corseté comme la femme, comme lhomosexuel.
- Aujourdhui, on ne parle plus du tout du même enfant. Lenfant
des années 70 était lesclave dune vieille civilisation,
lenfant daujourdhui est extrêmement sacralisé.
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Gai
Pied
Cela
ne coulait pas de source pour tout le monde.
- Jai régulièrement été inquiet, par
rapport à des articles relativement audacieux, de représailles
judiciaires.
- Dans les années 70 déjà, la pédophilie est
un sujet tabou. Il y avait cependant une conscience collective quil
fallait libérer tout cela.
- René Schérer [philosophe très engagé
en faveur de la pédophilie, ndlr] expliquait : pendant que tout
le monde se libère, il ne faut pas oublier lenfant.
- Je crois, concernant "Gai Pied",
quest resté parfaitement gravé le souvenir de toutes
nos adolescences homosexuelles. Jai attendu 21 ans avant dêtre
majeur officiellement. Mon adolescence homosexuelle est passée
à la trappe.
- Ces années ont été assez
douloureuses pour pas mal de gens de ma génération. Le tabou
de la pédophilie cache toute cette période où on
est adolescent, où on a des désirs mais où on reste
en carafe parce que rien nest possible. Cest cela dont
se souvient la génération de léquipe "Gai
Pied" à la fin des années 70.
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Duvert
Tony Duvert
[écrivain très engagé en faveur de la pédophilie,
ndlr] tenait une rubrique dans "Gai Pied" où
il affirmait : la question pédophile existe et certains gays sont
pédophobes et ils considèrent que lémancipation
des homosexuels se fera sur le dos des pédophiles.
- On a inventé un homosexuel qui laisse de
côté la question pédophile.
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Le
Coral
La date symbolique
et funeste, cest 1982, celle de laffaire du Coral.
- La gauche est au pouvoir et lextrême droite
sort une affaire complètement farfelue, selon laquelle de grands
intellectuels de gauche et des politiques iraient visiter régulièrement
un centre pour jeunes ayant des difficultés psychologiques pour
y avoir des ébats.
- Il y avait là une machination médiatico-politique qui
a fait peur à tout le monde.
- Laffaire du Coral constitue
un arrêt, non pas de la pédophilie, mais de la réflexion
sur cette question.
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Bouc
émissaire
Aujourdhui,
je pense que les pédophiles sont toujours les boucs émissaires
des homosexuels.
- Le débat nest plus du côté dun espace
de liberté que les pédophiles nont toujours pas
mais du côté de la jeunesse des homosexuels.
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