8.7.2004
: LE CHAMBON-SUR-LIGNON - HAUTE-LOIRE
Discours > JACQUES CHIRAC : PRESIDENT DE LA REPUBLIQUE
http://www.elysee.fr/magazine/deplacement_france/sommaire.php?doc=/documents/discours/2004/0407CHA1.html
Monsieur le Maire,
Chère Simone Veil,
Cher Jacques Barrot,
Mesdames et Messieurs les Elus de la République,
Mes Chers Compatriotes,
Mes Chers Amis,
Nous sommes, Monsieur le Maire vient de le rappeler, c'est vrai, ici dans
un lieu chargé d'histoire et d'émotion. Ici, dans l'épreuve,
s'est affirmée l'âme de la nation. Ici, s'est avancée
et s'est incarnée la conscience de notre pays.
Le Chambon-sur-Lignon est un lieu de mémoire. Un lieu de résistance.
Un lieu symbole de la France fidèle à ses principes, fidèle
à son héritage, fidèle à son génie.
Sur ce haut plateau aux hivers rudes, dans la solitude, parfois le dénuement,
souvent dans l'adversité, des femmes et des hommes portent depuis
longtemps les valeurs, ces valeurs qui nous unissent.
Dans ce qui fut l'une des régions les plus déshéritées
de notre pays, bravant tous les périls, ils ont fait le choix du
courage, de la générosité et de la dignité.
Ils ont fait le choix de la tolérance, de la solidarité
et de la fraternité.
Ils ont fait le choix des principes humanistes qui rassemblent notre communauté
nationale et fondent notre communauté de destin. Des principes
qui font la France.
L'histoire des communes du "Plateau" épouse celle du
combat pour la liberté de conscience et pour la tolérance.
Aux confins de la Haute-Loire et de l'Ardèche, cette vieille terre
de protestantisme a subi, dès la révocation de l'Edit de
Nantes, l'épreuve de l'intolérance religieuse. Pour y faire
face, le protestantisme dut mener un douloureux combat, un combat pour
la nation, un combat qui conduisit à l'inscription de la liberté
religieuse dans notre Déclaration des droits de l'Homme.
Parce que ces campagnes ont gardé vivante la mémoire de
ces drames, elles sont devenues terre d'accueil, de partage et de refuge.
Ici, persécutés, déshérités, réfugiés
ont trouvé asile. Ici, juifs menacés de mort ont trouvé
protection. Ici, maquisards et combattants de l'ombre ont trouvé
abri
Cette terre d'asile est l'un de ces lieux où souffle l'esprit de
résistance. Ce pays, qui a payé chèrement le prix
de la liberté de conscience, a vu très tôt des femmes
et des hommes se lever pour dire non.
Guidés par des pasteurs et des enseignants admirables, villageois
et paysans du "Plateau", habitants du Chambon et des localités
voisines qui ont partagé le même idéal, refuseront,
pour reprendre le titre d'un livre édité ici même,
au Chambon, "les matins bruns". Ils refuseront l'infamie du
régime de Vichy. Ils feront du beau verbe "résister"
leur étendard. Ils transformeront chacune de leurs fermes en refuge.
Quand d'autres, secondés par l'Etat français, commettaient
l'irréparable, ici, des milliers de juifs, dont beaucoup d'enfants
poursuivis par la menace d'extermination des nazis, trouvèrent
hospitalité et refuge. Ils y trouvèrent le salut.
Dans l'anonymat, la discrétion, dans le simple élan de la
main tendue, de la fraternité et de l'humanité partagées,
refusant la loi de la haine, "le Plateau", Juste parmi les nations,
le "Plateau" a grandi la France.
Nombreux ont été, partout, dans les campagnes comme dans
les villes, ces Françaises et ces Français, de toutes conditions,
de toutes convictions, de toutes religions, dont le courage et l'engagement
auront permis de sauver, parfois au prix de leur vie, les deux tiers de
leurs compatriotes juifs.
Telle est la France à laquelle je crois. Une France capable du
meilleur, fidèle à son histoire, à ses racines, à
sa culture. Une France de l'audace et de la solidarité, qui surmonte
ses peurs et se dépasse pour aller au-devant de celles et de ceux
qui ont besoin d'elle, de son aide, de sa protection, de son soutien.
Une France généreuse, qui refuse
l'égoïsme, le repli sur soi, l'exclusion, la discrimination.
Une France ouverte et accueillante, unie dans sa diversité, qui
porte avec fierté son idéal de justice et de paix en Europe
et dans le monde.
De cette France fraternelle, nous devons être fiers. Nous devons
la faire vivre et la défendre. Elle doit être pour nous tous
un choix de chaque jour.
Ce choix, celui de vivre ensemble dans le respect de chaque différence,
ce choix n'est jamais définitivement acquis. Le combat pour la
tolérance et pour l'honneur est une conquête fragile et toujours
recommencée.
Aujourd'hui encore, des actes de haine, odieux et méprisables,
salissent notre pays.
Les discriminations, l'antisémitisme,
les racismes, tous les racismes, se déploient de nouveau insidieusement.
Ils frappent nos compatriotes juifs présents dans notre pays depuis
des temps immémoriaux.
Ils frappent nos compatriotes de culture musulmane qui ont fait le choix
de travailler et de vivre dans notre pays. Ils frappent, en réalité,
tous nos compatriotes.
Ils atteignent nos écoles. Ils menacent nos enfants. Ils profanent
nos lieux de culte, nos sépultures, nos symboles les plus forts.
Tous ces actes, qui blessent les corps et choquent les âmes, disent
l'obscurantisme, l'ignorance, la bêtise. Ils expriment le fanatisme,
la volonté d'humilier, d'abaisser. Ils traduisent le refus de la
différence et le rejet de l'autre.
Tous ces actes reflètent la part la plus sombre de l'âme
humaine. Ils sont indignes de la France. Et, naturellement, je ferai tout
pour que cela cesse.
Les auteurs de ces forfaits, de ces agressions, de ces gestes de haine,
qui se sont, hélas, multipliés au cours des années
récentes et de ces derniers mois, seront poursuivis sans répit
et sans relâche. Ils seront jugés. Ils subiront toute la
rigueur de nos lois. Que les victimes de ces actes sachent bien que la
nation tout entière est à leurs côtés !
Tous nos compatriotes, quelles que soient leur histoire ou leurs croyances,
ont droit au respect. La laïcité permet à chacun de
vivre et de pratiquer, en toute sécurité, en toute sûreté,
sa religion. Elle permet à l'école publique, lieu d'acquisition
et de transmission des valeurs que nous avons en partage, d'être
ouverte à tous et à toutes les sensibilités. C'est
pourquoi elle doit être défendue : l'école publique
doit être à l'abri des influences et des passions. C'est
le sens de la loi récemment adoptée qui interdit le port
de signes religieux ostensibles. La République est le bien commun
de tous, de chaque citoyen, à égalité de droits et
de devoirs. L'égalité des chances est une exigence que nous
devons faire vivre pleinement. Elle doit être au cur de l'action
publique. C'est dans cet esprit que verra le jour, dès la fin de
cette année, une autorité indépendante chargée
de lutter contre toutes les discriminations.
Je demande à tous les responsables publics de notre pays, au Gouvernement
d'abord, à tous les agents de l'Etat, et notamment aux services
de police, aux autorités administratives et judiciaires, mais aussi
aux maires, aux présidents de conseils régionaux et généraux
de faire preuve d'une détermination sans faille pour lutter contre
ces dérives intolérables. La cohésion nationale n'est
l'apanage d'aucun camp. Elle ne saurait être un enjeu partisan.
Elle doit être notre horizon commun.
Je demande au Garde des Sceaux que le ministère public exerce l'action
publique avec la plus grande fermeté à l'égard de
toutes ces manifestations d'exclusion, de toutes ces tentations du refus
de l'autre que, naturellement, la loi réprouve. Qu'il prenne, chaque
fois, les réquisitions nécessaires pour appeler les tribunaux
à sanctionner, avec la plus grande sévérité
et la plus grande exemplarité, des actes qui sont la négation
même des valeurs qui rassemblent notre nation.
En matière de racisme, d'antisémitisme,
de xénophobie, d'homophobie, le classement sans suite est inacceptable.
Chaque acte doit être sanctionné. De même, je souhaite
que les parquets relèvent appel chaque fois que les décisions
prises leur sembleront d'une trop grande mansuétude au regard de
la très grande gravité des faits poursuivis. Il en va du
principe même de la justice.
Je demande au ministre de l'Education nationale, à tous nos professeurs,
de veiller plus que jamais à la transmission et au partage, par
tous les jeunes Français, de nos principes républicains,
de notre droit et de notre histoire. L'éducation civique doit être
au cur des missions de l'école républicaine. Pour
que chacun acquière, dès le plus jeune âge, le sentiment
d'appartenir pleinement à la communauté nationale. Pour
que chacun se sente fier de sa citoyenneté française. Pour
que chacun prenne mieux conscience des droits et des devoirs qui s'y attachent,
des comportements et des règles de vie communes qu'elle implique.
Ce sera l'un des objectifs prioritaires de la loi d'orientation sur l'école
que le Gouvernement présentera au Parlement d'ici la fin de l'année.
Je souhaite que tous les maires de France, qui connaissent mieux que personne
les situations locales, qui sont souvent les mieux placés pour
anticiper, prévenir, répondre au plus près, au plus
vite, au plus juste, se mobilisent pleinement, avec, bien entendu, le
concours de l'Etat, sur ces questions qui sont essentielles à notre
vie en commun et à notre avenir. Je demande au Gouvernement que,
dans chaque département, les préfets examinent avec les
maires les mesures et les initiatives utiles pour mieux prévenir
et combattre ces comportements inacceptables. Et je le demande, ici, au
Chambon, parce qu'ici vous êtes exemplaires.
Mais, pour absolue qu'elle soit, et je m'y engage, la détermination
des pouvoirs publics, la volonté, l'action de l'Etat et des autorités
locales ne sauraient, à elles seules, suffire.
L'exemple du "Plateau" nous montre que c'est l'engagement de
chacune et de chacun et la solidarité de tous, jour après
jour, qui font la force et l'exemplarité des communautés
humaines. Il illustre l'irrésistible élan, même dans
l'adversité, d'une fraternité fondée sur le respect
de règles et de principes partagés. Une fraternité
consciente des exigences du "vivre ensemble" et d'une citoyenneté
responsable.
Face au risque de l'indifférence et de la passivité du quotidien,
j'appelle solennellement chaque Française et chaque Français
à la vigilance. Devant le danger, je les appelle au sursaut.
Devant la montée des intolérances,
du racisme, de l'antisémitisme, du refus des différences,
je leur demande de se souvenir d'un passé encore proche.
Je leur dis de rester fidèles aux leçons de l'histoire,
une histoire si récente. Je les invite à toujours rappeler
à leurs enfants le danger mortel du fanatisme, de l'exclusion,
de la lâcheté, de la démission devant l'extrémisme.
Je leur demande de manifester avec force notre résolution, notre
capacité à vivre dans la concorde et dans le respect.
Je leur demande de toujours porter avec fierté notre héritage.
Patrie des droits de l'Homme, la France a inscrit au fronton de ses édifices
les valeurs universelles de l'Humanité. Elle a fait de la Liberté,
de l'Egalité, de la Fraternité la devise de la République.
Rappelons à nos enfants que toute l'histoire de la Nation française
est jalonnée de ces combats, combats parfois terribles, les combats
qui ont inscrit la tolérance et la protection du plus faible au
premier rang de nos principes. Combats de ces grands esprits et de ces
grandes consciences, qui ont forgé notre culture. Combats des plus
humbles, souvent restés anonymes, dont l'engagement, parfois le
sacrifice suprême, ont fait l'honneur et la grandeur de la France
et des Français.
A quelques jours du 14 juillet, symbole de notre fraternité, j'appelle
chacune et chacun au rassemblement pour qu'ensemble, fidèles à
nos valeurs, nous sachions faire vivre une certaine idée de l'Homme,
une certaine idée de la France.
Je vous remercie.
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LInter-LGBT
reçue à lÉlysée - De nouvelles promesses,
et une colère intacte
2.7.2004 : communiqué > association Inter LGBT
http://www.inter-lgbt.org/article.php3?id_article=283
LInter-LGBT était reçue le 1er juillet à
lÉlysée. Ce rendez-vous faisait suite au report de
dernière minute du projet de loi sur les propos discriminatoires.
Il a donné lieu à la répétition des engagements
déjà pris par le gouvernement sur lamélioration
de ce projet de loi et sa mise en application au 1er janvier 2005, sur
la mise sur pied dune commission de débat public sur la conjugalité
et la parentalité, ainsi que sur le recadrage de lévaluation
du pacs pilotée par le ministère de la Justice.
Le seul rappel de ces promesses ne satisfait pas lInter-LGBT. Lundi
5 juillet, son Conseil réunira les associations pour décider
des actions à engager, afin que les actes suivent.
LInterassociative Lesbienne, gaie, bi et trans était reçue
ce jeudi 1er juillet à lÉlysée. Alain Piriou,
porte-parole, et Laurent Chéno, secrétaire de la Commission
politique, étaient reçus par Marie-Claire Carrère-Gée,
conseillère aux Affaires sociales, et Christian Mellottee, conseiller
à la Justice du président de la République.
Lentretien sest déroulé
dans un climat de crise, suite au report du projet de loi sur les propos
discriminatoires.
Cest un décret signé par le Président de la
République la veille de la Marche des fiertés lesbiennes,
gaies, bi et trans, et rendu public le lendemain, un dimanche, qui a écarté
de la session extraordinaire de juillet la discussion de ce projet de
loi, au contraire des 13 autres textes qui y seront discutés. Le
24 juin, pourtant, lengagement du Premier ministre était
sans ambiguïté, quoi quen disent certains communiqués
de presse rafistolés après leur publication : ce texte devait
être débattu en juillet, cette annonce permettant au gouvernement
de temporiser vis-à-vis de la presse. LUMP déclarait
dailleurs le 24 juin dans un communiqué : "LUMP
se réjouit de la décision du Premier ministre, annoncée
ce matin aux associations, de présenter le projet de loi pénalisant
les propos homophobes et sexistes avant la fin de la session parlementaire
extraordinaire."
LÉlysée affirme ne pas avoir été au
courant de cet engagement, que Matignon démentirait.
Les conseillers du Président ont réaffirmé
lobjectif dun vote du projet de loi en première lecture
"à lautomne" et "dès que
possible", pour une "mise en application au 1er janvier
2005".
Le Président de la République serait ouvert à des
améliorations, notamment pour ouvrir lexercice du droit de
réponse aux associations LGBT dans les mêmes termes que pour
les associations anti-racistes, et pour élargir les protections
prévues aux personnes trans, par lajout du motif "identité
de genre". Par contre, lElysée confirme ne pas souhaiter
un dispositif complet pour la lutte contre le sexisme.
Le Président de la République acterait la mise sur pied
dune commission de débat public sur la conjugalité
et la parentalité.
LInter-LGBT a insisté sur la nécessité de garantir
le caractère véritablement contradictoire des débats
organisés, la publicité de ces débats et leur conclusion
par des réformes législatives. Ce serait létat
desprit du Président de la République, quand il a
déclaré le 28 avril 2004 quil était "ouvert
à un débat national". La nature du dispositif envisagé
na pas encore été décidée par le Président
de la République, mais les travaux devraient débuter à
la rentrée.
Enfin, lÉlysée donnera des instructions au garde des
Sceaux pour recentrer les travaux du groupe de travail sur lévaluation
du pacs en priorité sur lamélioration des droits ouverts,
et non sur la modification des conditions dentrée ou de rupture
comme cela est envisagé aujourdhui. LInter-LGBT a annoncé
quelle dénoncerait des conclusions qui dénatureraient
lesprit du pacs, qui est aujourdhui un statut souple et moderne
quil faut encore améliorer.
LInter-LGBT a annoncé que la reconduction de ces engagements
ne suffirait pas à lever la défiance aujourdhui installée
entre le gouvernement et les associations quelle représente.
Son Conseil se réunira ce lundi 5 juillet, et décidera
des suites à donner aux récents événements.
Il vérifiera dès la rentrée si ces nouvelles promesses
auront donné lieu à des actes.
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