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LAllocation Adulte Handicapé
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un parcours dobstacles pour les malades
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Les personnes
atteintes par le VIH/sida ont de plus en plus de mal à
obtenir lAllocation Adulte Handicapé
(AAH).
Les difficultés
quelles rencontrent auprès des administrations concernées
montrent bien la logique qui préside à lattribution
de ce minimum social : pour les pouvoirs publics, il sagit
dune aumône quil faut mériter, en prouvant
constamment quon est suffisamment handicapé pour la
mériter. Cela est particulièrement vrai pour les séropositifs,
que les institutions sociales tiennent pour guéris, donc
aptes à lemploi.
LAllocation
Adulte Handicapé est un revenu qui se mérite. Pour
lobtenir, il faut prouver que lon est " suffisamment
" handicapé pour ne pas travailler, et " suffisamment
" pauvre pour percevoir 3 654,50 FF par mois, soit 557,12 euro.
Rendez-vous
compte : lAAH nest pas soumise à contribution,
contrairement, par exemple, à la pension invalidité
versée par la Sécurité Sociale. Par ailleurs,
lAAH ne peut être saisie en cas dimpayés
et elle nest pas imposable. Enfin, elle est dun montant
supérieur au RMI. Ce sont autant de " privilèges
" qui font que, pour bénéficier dune telle
somme, il vous faut rendre constamment des comptes. De fait, lobtention
de lAAH relève du parcours du combattant.
Cest particulièrement
vrai pour les personnes atteintes de handicaps évolutifs,
comme ceux liés à linfection au VIH/sida. Bien
sûr, comme nimporte quel usager dune institution
sociale, une personne séropositive sera confrontée
aux problèmes inhérents aux pratiques administratives
comme les délais trop longs de traitement des demandes.
Mais
pour les malades du sida, ces " dysfonctionnements " ont
quelque chose dobscène : Cleews Vellay ancien
président dAct Up, a reçu son
AAH quelques semaines après sa mort. Et ce
cas nest pas isolé.
Aujourd'hui,
la logique implicite à laquelle tout demandeur dAAH
séropositif doit saffronter est la suivante : il existe
des traitements (trithérapies) qui peuvent contrôler
le virus, donc les séropos et les malades du sida vont bien,
donc ils peuvent travailler pour gagner leur vie. Depuis larrivée
des trithérapies, la logique dun retour forcé
au travail simpose à nimporte quel malade qui
prétend à cette allocation - parasite fraudeur en
puissance pour les administrations.
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Imaginons :
vous êtes séropo, vous faites une demande dAllocation
Adulte Handicapé. Dun bout à lautre du
dispositif, tout vous oblige à faire vos preuves, tout est
là pour vous rappeler que vous devriez normalement travailler,
donc pour décourager à faire valoir vos droits.
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1 / Vous devez
dabord faire remplir un certificat médical par votre
médecin traitant. Ce certificat doit être le plus détaillé
possible, et inclure tous les aspects de la pathologie qui handicapent
votre vie quotidienne : ceux liés aux affections opportunistes,
aux effets secondaires des traitements, aux répercussions
psychologiques et à la fatigue. Mais le formulaire est inadapté
à la description de polyhandicaps comme ceux liés
au VIH. Par ailleurs, de nombreux médecins traitants ont
encore du mal à reconnaître les effets secondaires
comme handicaps majeurs à notre vie quotidienne.
Résultat
: les certificats se contentent trop souvent de signaler des marqueurs
biologiques qui ne donnent pas une idée exacte de létat
de santé des personnes atteintes. On peut avoir un bon taux
de CD4 et une charge virale indétectable, tout en étant
incapable de travailler. À cette étape du parcours,
cest lensemble de la relation malade - médecin
qui est en cause, et la capacité de nos praticiens à
voir en nous autre chose que des données biologiques. Mais
il sagit aussi un problème de fonctionnement administratif.
En janvier 1999, Act Up-Paris obtenait la diffusion, dans tout dossier
de demande dAAH, dune note dinformation aux médecins
traitants, qui les incitaient à remplir de façon détaillée
les certificats médicaux. Cette notice a circulé six
mois, puis a disparu, sans que les administrations ne sen
émeuvent.
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2 / Votre dossier
est maintenant préparé. Vous lenvoyez à
la COTOREP (Commission Technique pour lOrientation et le Reclassement
Professionnel).
Une équipe technique, composée de médecins,
de travailleurs sociaux, de représentants dusagers
et de syndicats, doit vous attribuer un taux de handicap, duquel
dépend lobtention de lAAH, et éventuellement
dautres prestations.
Le taux de handicap est fixé en fonction dun guide-barème,
dont la dernière version date de 1993. Concernant le VIH,
cet outil de référence est caduc, puisquil ne
prend pas en compte les multithérapies (arrivées en
1996) et leurs effets secondaires. Des circulaires sont venues régulièrement
rappeler aux COTOREP la nécessité de tenir compte
de ces éléments. Mais ces textes nont aucune
valeur : les administrations reçoivent des dizaines de circulaires
de ce genre par semaine, et nen tiennent aucunement compte,
sauf si des associations font pression. Résultat de ce flou
artistique : lattribution de lAAH varie dune COTOREP
à lautre, dun département à lautre.
Cest larbitraire qui domine.
Dans le cas
du VIH, cet arbitraire est renforcé par les préjugés
des équipes techniques sur cette infection " évolutive
". Les demandes émanant de séropositifs représentent
une très faible proportion des demandes générales
dAAH (moins de 0,5 % à Paris). Les médecins
des COTOREP sont donc peu familiarisés avec les problèmes
spécifiques que posent ce virus et ses traitements. Ils sont
ainsi enclins à suivre une logique martelée par les
pouvoirs publics, qui na rien à voir avec des impératifs
de santé publique et de prise en charge sociale : celle des
restrictions budgétaires, et du retour forcé au travail.
On retrouve par exemple cette logique, dans un rapport écrit
par les Inspections Générales des Finances et des
Affaires Sociales (IGF et IGAS), rendu public en janvier 1999. On
y lit que de nombreux handicaps sont devenus réversibles
grâce aux progrès médicaux et techniques. Seuls
exemples cités : la surdité et linfection à
VIH. Pour lIGAS et lIGF, un sourd avec un appareil est
un non-sourd ; un séropositif sous trithérapie est
séronégatif, et na plus besoin de prestations
pour handicapés. Il peut, il doit aller travailler.
Conséquences
de cette logique : les premières demandes ou les renouvellements
dAAH sont de plus en plus souvent refusés, ce qui obligent
les malades à des recours longs et fastidieux, à des
convocations devant les équipes techniques qui tournent très
souvent à des séances dhumiliation. Ainsi de
ce malade, convoqué par le tribunal du contentieux de la
COTOREP de Paris, qui arrive devant ses " juges " avec
un énorme dossier médical pour faire valoir ses droits
et à qui un médecin-expert affirme : "puisque
vous êtes capable de faire des efforts pour rassembler toutes
ces pièces et vous battre au contentieux pour obtenir lAAH,
vous devez être capable de tenir un emploi, non ?". Le
malade en question était atteint dun cytomégalovirus
(CMV) qui le rend aveugle et prenait à lépoque
une trentaine de médicaments par jour.
On pourrait
espérer un léger progrès. Le guide-barème
a fait lobjet dune révision, en partenariat avec
les associations. La nouvelle version, qui devrait être effective
au premier semestre 2002, prendra mieux en compte les effets secondaires
des traitements ou encore la fatigue liée à linfection.
Mais si aucune formation particulière nest faite auprès
des équipes techniques pour compenser la logique du retour
au travail, ce nouveau guide restera un outil abstrait et théorique.
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3/ Il faut bien
comprendre les conséquences des refus sur les personnes.
Dire à une personne qui sestime incapable de travailler
quen fait, elle nest pas assez malade pour obtenir un
minimum social, cest tout simplement linciter à
se rendre encore plus malade.
Les personnes
qui sollicitent Act Up-Paris suite à un refus dAAH
menacent régulièrement darrêter leurs
traitements dans " lespoir " daggraver leur
état de santé et dobtenir enfin lallocation.
Cette stratégie, qui est rarement consciente, révèle
bien lobscénité dun système qui
entend faire passer un droit fondamental, le droit à un revenu,
pour un privilège.
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4/ La COTOREP
décide enfin que vous avez droit à lAAH. Votre
dossier passe ensuite auprès dune Caisse dAllocations
Familiales, organisme verseur, qui va calculer le montant auquel
vous avez droit, en fonction de vos ressources.
De nouveaux problèmes se posent alors. Ce calcul des ressources
se fait sur lannée civile antérieure. Entre
votre situation financière, et celle qui est prise en compte,
plusieurs mois se sont écoulés. Si vous avez eu un
emploi, votre salaire sera pris en compte, votre AAH réduite,
parfois à zéro, alors même que vous ne disposez
plus daucun revenu. Commencent alors des comptes dapothicaires,
des démarches sans fin auprès des caisses, qui naboutiront
en général jamais si vous nêtes pas assisté
par une association.
Autre conséquence
: de nombreux séropositifs, qui bénéficient
de lAAH, souhaitent retravailler. Ils trouvent un emploi et
sortent du dispositif de lallocation. Mais après quelques
mois, ils savèrent incapables de tenir leur emploi.
Ils nont pas assez cotisé pour bénéficier
dune pension invalidité ou dun arrêt longue
maladie ; ils retournent donc dans le système de lAAH.
La CAF prend alors en compte les revenus procurés par lemploi,
et réduit dautant, pour une durée dun
an, le montant de lallocation, ce qui conduit donc à
une précarisation des séropositifs.
Depuis plusieurs années, les associations, y compris en dehors
du milieu sida, demandent le cumul de lAAH avec un revenu
lié à lemploi - ne serait-ce que pour 12 mois.
Elles exigent aussi quen cas de retour au système de
lAAH, lintégralité du montant leur soit
immédiatement versée. Ces revendications ne sont évidemment
pas entendues : cela signifierait que les pouvoirs publics, et le
gouvernement, acceptent lidée dun revenu déconnecté
du travail, quand bien même il le serait pour une courte période
et ne sadresserait quà une population précise,
les handicapés.
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5/ A-t-on besoin
de montrer à quel point il faut être méritant
pour bénéficier de lAAH ? Voici encore deux
exemples.
Le montant de lAAH est considérablement réduit
quand vous êtes détenu, hospitalisé ou hébergé
en centre de moyens séjours. La logique est claire : dans
ces institutions, vous êtes nourri, logé et blanchi.
Les pouvoirs publics ne vont pas, en plus, vous verser une allocation.
Les sans papiers atteints dune pathologie grave ne sont pas
expulsables. Ils bénéficient dun " sous-titre
" de séjour, des autorisations provisoires (APS) dune
durée de trois ou six mois renouvelables. Ce document ne
leur permet pas de bénéficier de lAAH car les
CAF refusent de les reconnaître. Les étrangers malades
ont donc le droit de rester sur le sol français et de sy
faire soigner. On ne va pas, en plus, leur donner de quoi vivre.
Minimum social
destiné à assurer aux personnes handicapés
des moyens dexistence, lAAH est dans les faits une aumône
auquel lEtat ne consent que si on a montré patte blanche,
après un long parcours du combattant. Tout est là
pour vous rappeler, cest bien connu, que "le travail,
cest la santé". Surtout quand ce travail vous
procure un revenu et économise à lEtat quelques
sous.
La résistance
à cette logique passe par une analyse rigoureuse des textes,
une information systématique aux demandeurs dAAH, la
recherche du contentieux et de jurisprudence favorables aux malades.
Mais elle passe aussi par laffichage dun choix de vie,
et par le refus de voir nos vies résumées au travail
salarié. Ce choix, nimporte qui peut le défendre.
Dans le cas des malades du sida, il prend une résonance particulière.
E., gravement atteint par le VIH, membre dAct Up, témoignait
récemment : "Bien sûr, jai lair en
pleine forme. Je milite, donc je peux travailler, non ?". Il
décrivait ensuite lhistorique de son infection : séropo
en 1989, méningite en 1992, licenciement, surendettement,
mycobactéries, épilepsie, dépression nerveuse
en 1995, 54 kg pour 1 mètre 76 en 1995, hospitalisations
à répétition, douleurs rachidiennes, problèmes
oculaires, tumeurs ; puis les traitements, la restauration partielle
du système immunitaire, compensée par les effets secondaires.
Et pourtant, à cette personne, la COTOREP demande encore
des comptes. E. répond : " il nest absolument
pas question de reprendre mon activité qui consistait à
rédiger ou faire rédiger des contrats internationaux
bourrés de pièges destinés à sauvegarder
les intérêts des banques. Mon sida ma appris
à comprendre ce que je ne veux pas contribuer à alourdir
le malheur des autres pour que mon employeur se fasse du fric. Alors,
oui, je suis retourné au militantisme politique ". Aujourdhui,
E. est en échappement thérapeutique, sa tumeur sest
aggravée. Il devra présenter un nouveau dossier dAAH
en juin 2002.
Act Up-Paris
www.actupp.org
Permanence juridique et gratuite : tous les mercredi de 14h à
18h.
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