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Le 15 décembre 2009
Publiée chaque mois, de janvier à Noël 1909, Akademos est considérée comme la plus ancienne des revues homosexuelles françaises.
Après l'acquisition autofinancée du 1er numéro
(daté du 15 janvier 1909), l'Académie Gay & Lesbienne l'a
numérisé en mode image pour le mettre en accès libre
sur son site :
http://www.archiveshomo.info/documents/akademos/couverture.htm
"Une revue somptueuse, imprimée avec luxe et bon goût " [1]
"pour réhabiliter et défendre l'Autre Amour "
Akademos fut créée et financée par le fortuné baron Jacques d'Adelswärd-Fersen (jeune poète de 29 ans et sulfureux ancien "exilé de Capri" [2]). Celui-ci avait pris contact avec Magnus Hirschfeld (fondateur en 1897 du Comité Scientifique Humanitaire WHK contre la discrimination des homosexuels par le § 175 du Code pénal prussien) et Adolf Brand (éditeur depuis 1896 de la revue homosexuelle allemande Der Eigene) pour promouvoir l'acceptation sociale de l'homosexualité.
Fersen voulait fonder une "revue d'art, de philosophie, de littérature, dans laquelle, petit à petit pour ne pas faire d'avance un scandale, on réhabilite l'Autre Amour" [3] par l'évocation entre autres des paradis perdus de l'ancienne Grèce et de Rome... [4]
D'ailleurs Akademos (Académos) est le nom d'un héros de la mythologie grecque, à qui furent dédiés dans Athènes, des jardins à côté de son tombeau. [5] En reprenant son nom, Platon avait fondé sur ce domaine, L'Académie, son école philosophique (vers 388 avant J.-C.).
Une "Revue mensuelle d'Art libre et de Critique "
qui se voulait être "La plus indépendante des Revues " [6]
Même si la revue n'est pas entièrement consacrée à l'homosexualité, le sujet ressort clairement dans plusieurs articles, textes en prose, poèmes et même dans la partie critique sur l'actualité des arts et de la littérature, de chaque numéro (voir par exemple : Le préjugé contre les moeurs de Guy Delrouze). [7]
Ainsi dès le numéro 1, Fersen faisait l'éloge à la mémoire de Raymond Laurent, le très éphémère secrétaire de la rédaction de Akademos qui s'était suicidé à 22 ans (quelques heures après sa rencontre avec Jean Cocteau), en évoquant que "sa vie, haletante et nerveuse, fut ravagée par un idéal très hautain et très rare, par l'Autre Amour (...)" [8]. Après les réactions de la famille du défunt, certains des grands auteurs (dont Fersen avait annoncé la collaboration sur la liste en 4e de couverture) se retirèrent.
Dans le 1er numéro, on trouve entre autres une étude sur Verlaine de Laurent Tailhade, une note de Colette Willy sur le music-hall, un fragment de l'Ajax de Jean Moréas, des poèmes d'Henri Barbusse, d'Emile Verhaeren... [voir le sommaire et l'index par auteurs], accompagnés de trois illustrations (dont une silhouette de Colette) et d'une photographie de l'écrivain Raymond Laurent.
"La volonté de continuer la tâche
et l'espoir de former un parti "
En mai 1909, Jacques d'Adelswärd-Fersen est assez optimiste pour envisager
une parution bimensuelle de la revue à partir de 1910 :
malgré une "assez heureuse vente au numéro", "les
abonnements sont d'une rareté dérisoire, et pour raison simple
que l'on considère dangereux de s'abonner (...) Au lieu de m'aider,
tout une catégorie bien peu indulgente et nullement intellectuelle
d'adonisiens me tourne le dos - est-ce par habitude ? dirait un plaisantin.
Enfin voilà - Il reste la volonté de continuer la tâche
et l'espoir de former un parti (...)"
Finalement la revue s'arrête au 12e numéro, daté de Noël 1909, il y aura bientôt un siècle.
[1] ↑ Les
revues par Charles-Henry Hirsch
> Mercure de France, n°280 - tome LXXVII, 16 février 1909
[ consultable
sur Gallica (Bnf) ]
"Akademos, qui a paru pour la première fois le 15 janvier, est une revue somptueuse, imprimée avec luxe et bon goût. Toutes les belles choses n'ont heureusement pas un destin court et il faut souhaiter la durée à ce nouveau recueil.
M. Laurent Tailhade y donne, sous ce titre : les Carnets de Stéphane Baillehache (souvenirs sur Verlaine), des pages de cette forte prose dont il est un des rares à pouvoir soutenir le ton. Certes, on enrage de le voir décocher ses traits mortels à des gens dont on aime l'œuvre et la personne. Mais quelle puissance n'y a-t-il pas chez ce grand styliste, quel autre s'est nourri de meilleure moelle, quel demeure mieux soi-même, débiteur d'autant aux maîtres qui, depuis notre admirable XVIe siècle, ont édifié la Langue Française !
Ah ! Que tous les malades, les neurasthéniques, les abscons, les obscurs, les maniaques qui expriment en rébus le vide sonore de leur crâne, aillent à cette prose !… Et quelques-uns seront guéris d'avoir aimé l'ombre, les larves, quand il y a la vivifiante lumière, les belles formes, la froide raison et les idées, source aux mille bouches de toutes joies ! [...]
Akademos (15 janvier) contient un fragment de l'Ajax de M. Jean Moréas, des poèmes de MM. H. Barbusse, J. Ochsé, M. de Noisay, et des articles de Mme Colette Willy, MM. E. Pilon, Robert Scheffer, Legrand-Chabrier, etc. [...]"
[2] ↑ L'Exilé
de Capri par Roger Pierrefitte, avec préface de Jean
Cocteau (Flammarion, 1959)
[ consulter
la notice dans notre catalogue ]
réédition avec un chapitre supplémentaire (Le Livre de
Poche, 1974)
[ consulter
la notice dans notre catalogue ]
[3] ↑ Dossier
Jacques d'Adelswärd-Fersen par Patrick Cardon
> Cahier Question de Genre n° 21 (Éditions Gay
Kitsch Camp, 1991) ¤ livre épuisé
réédition en 1993 ¤ livre épuisé
[ présentation du dossier sur le site culture-et-debats.over-blog.com ]
[4] ↑ Akademos,
Jacques d'Adelswärd-Fersen et la cause homosexuelle par
Mirande Lucien
> Cahier Question de Genre n° 48 (Éditions Gay
Kitsch Camp, 2000) ¤ livre épuisé
[ consulter
la notice dans notre catalogue ]
[5] ↑ Académos
[ consulter
la notice de Wikipedia ]
Académie de Platon [ consulter
la notice de Wikipedia ]
[6] ↑ Revue
mensuelle d'Art libre et de Critique : sous-titre sur les couvertures
La plus indépendante des Revues : sur la
4e de couverture
[ consulter
la notice dans notre catalogue ]
[7] ↑ Le
préjugé contre les moeurs par Guy Delrouze
> Akademos N° 7 du 15 juillet 1909 (pages 1 à 24)
"[...] L'homosexualité n'est pas seulement passionnante pour notre investigation, elle exige notre respect et la révision d'un procès inique. Elle ne relève plus de la criminologie, ni même de la pathologie, mais du droit commun de l'amour libéré.
Il ne s'agit donc pas d'une secte de vicieux réclamant un statut immoral, mais de milliers, de millions d'individus doués, valables, utilisables par une société intelligente et que proscrit la nôtre pour des motifs abolis.
Le cadavre d'une morale morte ne peut pas faire contre poids dans la balance de la justice à la dignité, à la liberté de tant d'hommes [...]"
[8] ↑ In
Mémoriam : Raymond Laurent par Sonyeuse [pseudonyme de
Jacques d'Adelswärd-Fersen]
> Akademos N° 1 du 15 janvier 1909 (pages 66 à 71)
[ consulter
le texte ]
http://www.archiveshomo.info
le site d'information
du Conservatoire des Archives et des Mémoires LGBT
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