Communiqués et lettres ouvertes de Marie-Jo Bonnet

Compte-rendu de Marie-Jo Bonnet sur sa rencontre avec Mouna Benjelloun, Conseillère au Cabinet de Anne Hidalgo, Première Adjointe au Maire de Paris
Communiqué de Marie-Jo Bonnet
Lettre ouverte à M. Bertrand Delanoë, Maire de Paris, à propos du Centre d'Archives et de Documentation Homosexuelles de Paris (CADHP) qu'il souhaite fonder dans la capitale
Article de Marie-Jo Bonnet à propos du CADHP et du festival de films lesbiens Cinéffable
publié sur penelopes.org :
http://www.penelopes.org/xarticle.php3?id_article=2568

Marie-Jo BONNET
Docteur en Histoire
contactmjbonnet[AT]yahoo.fr

 
Paris le 26 février 2003

Compte-rendu de ma rencontre avec Mme Mouna Benjelloun,
Conseillère au Cabinet de Mme Anne Hidalgo,
Première Adjointe au Maire de Paris.

J’ai été reçue par Mouna Benjelloun vendredi 21 février dernier pour réfléchir aux moyens de régler équitablement les problèmes posés par la discrimination des lesbiennes dans le projet de préfiguration du Centre d’Archives et de Documentation Homosexuelle à Paris (CADHP) initié par MM. Jean Le Bitoux et Christopher Miles avec le soutien financier de la Mairie de Paris.

Madame Benjelloun s’est d’abord excusée de ne pas m’avoir contacté plus tôt. Elle vient de prendre ses fonctions au cabinet d’Anne Hidalgo et a du prendre connaissance de nombreux dossiers en même temps. Elle m’a ensuite informé que le dossier avait été confié à Mme Hidalgo et qu’elle me recevait pour que je lui fasse des propositions.

Je l’ai remerciée et lui ai d’abord rappelé que dans mes précédentes lettres (cf. Lettre à Madame Anne Hidalgo du 2 décembre 2002 et Lettre ouverte à Bertrand Delanoë du 22 janvier 2003) je pensais que la question de la discrimination des lesbiennes dans le projet du futur CADHP ne pouvait être réglée isolément de l’ensemble d’une politique veillant à assurer une meilleure égalité entre les sexes à tous les niveaux de la vie culturelle, politique et économique. Selon moi il existe deux problèmes :

1 - La discrimination des lesbiennes à l’intérieur du projet lui-même qui semble conçu dans une perspective gay exclusive.
Il suffit de lire attentivement le dossier pour se rendre compte que c’est la sauvegarde de l’histoire du "gay Paris" qui a motivé les auteurs du projet. Les femmes n’y sont mentionnées qu’à titre de "femme-alibi" et dans les statuts déposés à la Préfecture de Police le 19 décembre 2001, aucune femme ne fait partie du bureau (ils sont signés par Christopher Miles, Philippe Bot’ et Jean Le Bitoux). Dès le départ, l’égalité entre les gays et les lesbiennes ne fait pas partie des préoccupations des fondateurs. En outre, le budget du projet ne cache pas ses présupposés gays. Par exemple, le poste "publicité" du chapitre "Frais variables", prévoit 20 000 F pour 1/4 de page le mensuel Têtu et 10 000 F pour 1/4 page Illico ainsi que 20 000 F pour la presse régionale gay. Rien pour Lesbia magazine ni pour la presse régionale lesbienne. Il est clair que l’argent de la publicité, dont on connaît l’importance pour aider la presse homosexuelle à être rentable, n’est destiné qu’aux gays. (photocopie de ce budget a été donnée).

2 - Le deuxième problème concerne les pratiques hégémoniques du CADHP.
Comme je l’ai écrit dans ma Lettre ouverte à Bertrand Delanoë, il existait déjà trois centres d’archives sur Paris, avant que M. Le Bitoux envisage d’en créer un 4ème avec l’appui de M. Christophe Girard et de la Mairie de Paris. Ce n’est donc pas seulement la discrimination des lesbiennes qui nous a mobilisés mais également celle d’autres "minorités" gays, transsexuelles, transgenres et les petites structures qui travaillent de manière autonome. Il n’est pas normal que ces "minorités" n’apparaissent pas dans le dossier et n’aient pas été consultées sur les objectifs. On ne crée pas un nouveau centre en ignorant volontairement ce qui existe ou en cherchant à se l’annexer, comme ce fut le cas avec la bibliothèque du Centre Gay et Lesbien durant le printemps 2002. Je propose donc de respecter et reconnaître les associations qui existent déjà puisqu’aucune négociation n’a été menée par le CADHP pour les associer à la dynamique de préfiguration. Parmi les trois centres d’archives qui existent déjà, je distinguerai la bibliothèque du Centre Gay et Lesbien, déjà subventionnée par la mairie de Paris, et qui a décidé de rester autonome, de la situation des deux autres centres d’archives.

- Les Archives, Recherches, Cultures Lesbiennes (ARCL), fondées en 1983 par Claudie Lesselier.
Elles sont logées à la Maison des Femmes de Paris et souhaitent garder la non-mixité de leur consultation. J’ai donné à Mme Benjelloun une photocopie de la "Position des Archives, Recherches et Cultures Lesbiennes" parue dans Lesbia magazine de février 2003.

En ce qui concerne la non mixité, j’ai fait remarquer qu’elle s’inscrivait tout naturellement dans la démarche d’autonomie des femmes qui a été impulsée par le Mouvement de Libération des Femmes dans les années 1970. Il n’y a pas lieu de s’en offusquer. C’est au contraire une démarche positive qui s’inscrit dans l’héritage masculin des conquêtes pour la démocratie. La femme sujet, c’est celle qui se définit par rapport à elle-même, et non par rapport à la mixité. Une association de lesbiennes est aussi légitime, du point de vue républicain, qu’une association de chasseurs ou de footballeurs. J’ai fait remarquer également qu’en 2002 les services de la Mairie avaient refusé une subvention à l’association Cinéffable sous prétexte qu’elle était non mixte, alors que 5 000 euros ont été attribués à l’association des gay Melo Men en novembre 2002. Seraient-ils mixtes ? Pas dans le titre, en tout cas. D’ailleurs, en ce qui concerne les subventions allouées au mouvement gay, on remarque qu’aucune subvention n’a été attribuée au mouvement lesbien depuis l’élection de Bertrand Delanoë à la Mairie de Paris. Dans la revue Illico du 16 janvier 2003, on peut trouver la liste des associations gay et (?) lesbiennes subventionnées par le Conseil de Paris. Elles ont reçu un total de 1 113 541 euros. Et je ne compte pas les 100 000 euros du CADHP, ni les autres 100 000 euros au Centre Gay et Lesbien, ni les subventions débloquées par le ministère de la santé pour mener des actions contre le sida. Cette disparité est inadmissible en démocratie et ne fait qu’accentuer la disparité homme - femmes.

Dans cette optique, je me suis étonnée auprès de Mme Benjelloun que le Conseiller auprès du Maire de Paris, chargé des relations avec les homosexuels, Monsieur Philippe Lasnier, se fasse le champion de la mixité quand il traite les dossiers présentés par des lesbiennes et se montre si partisan quand les intérêts gays sont en jeu. Il a téléphoné à deux reprises à mon domicile pour me menacer de porter plainte parce que j’avais signé la pétition d’Archilesb. Ce n’est pas normal. De plus, comme parisienne, je suis en droit d’attendre que Monsieur Lasnier représente mes intérêts de lesbienne au cabinet du maire, puisque telle est la mission que lui a confié Bertrand Delanoë. L’opposition gays - lesbiennes est ainsi accentuée alors qu’il faudrait favoriser le dialogue.

- L’Académie Gay & Lesbienne existe elle aussi depuis plusieurs années.
L’association s’est officiellement crée le 1er mars 2001 et souhaite garder son autonomie dans la mesure où le CADHP se comporte comme si elle n’existait pas. Actuellement, elle aurait besoin d’un local pour entreposer ses documents et en permettre la consultation au public. On peut très bien envisager que ce local soit situé dans un immeuble où seraient localisées d’autres centres de ce type.

A ce sujet, il est évident que la politique hégémonique menée par Jean Le Bitoux vis à vis des centres existants n’encourage pas les détenteurs d’archives à en faire don au CADHP.
Il faut un minimum de confiance mutuelle et surtout, l’assurance que ces archives ne disparaîtront pas dans un changement de majorité politique, ou dans l’essoufflement de l’association gestionnaire du centre. C’est pourquoi j’ai proposé que le CADHP ne soit pas géré par une association, mais par une structure officielle composée de conservatrice, archivistes, documentalistes diplômées et chercheuses. La Bibliothèque Marguerite Durand, qui est gérée par la Mairie de Paris, peut nous inspirer pour trouver une structure qui garantisse la pérennité du centre d’archives.

Compte tenu des problèmes que je viens d’exposer et du mauvais démarrage du projet, je ne vois pas comment une collaboration serait envisageable entre lesbiennes et gay dans le cadre actuel du projet. Pour travailler ensemble, il faut s’entendre. Or il est clair que les promoteurs du projet souhaitent faire un centre gay (les transsexuels en sont aussi écartés). Les rapports entre les lesbiennes et les gays ont toujours été difficiles, et ce, depuis les années 1970 car la misogynie et la lesbophobie sont encore fortement enracinés dans la mentalité gay. Les lesbiennes sont entrées dans l’histoire avec le féminisme, et même si les rapports n’ont pas toujours été à la hauteur de notre idéal d’émancipation, les femmes demeurent notre identité de rattachement, si je puis dire.

C’est pourquoi, dans l’état actuel des choses, je propose que les lesbiennes soient rattachées au projet de Cité des Femmes que Mme Anne Hidalgo est en train d’élaborer.
Beaucoup d’entre nous ont déjà donné des archives à la bibliothèque Marguerite Durand, et personnellement, je souhaiterais que cette structure, qui a fait ses preuves, se développe beaucoup plus. Des locaux plus grands, des heures d’ouverture plus long, des salles d’exposition, de conférences, etc... L’égalité, ne consiste pas forcément à imposer des structures mixtes. Souvent, c’est en favorisant l’autonomie des femmes qu’on y parvient le mieux. De plus, il n’est pas choquant que les gays souhaitent rester entre eux. Ce qui l’est, c’est qu’ils se servent des femmes pour obtenir des subventions et que ces dernières n’aient rien.

Le problème auquel nous sommes confrontés aujourd’hui est celui de l’inscription des femmes et de leur histoire dans la Cité. Nous avons vu avec les conflits soulevés autour du CADHP que les gays ne sont pas des vecteurs d’inscription politique pour les lesbiennes. Ils sont plutôt des freins, et il vaut mieux trouver des solutions adaptées aux situations concrètes plutôt que d’imposer des principes de parité qui ne fonctionnent pas dans la réalité.

L’entrevue avec Mme Benjelloun a été chaleureuse et elle m’a demandé à la fin de lui proposer une liste de noms afin de poursuivre les consultations auprès de spécialistes susceptibles de lui faire des propositions. Ce que j’ai accepté.

Marie-Jo Bonnet, le 26 février 2003


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Marie-Jo BONNET
Docteur en Histoire
contactmjbonnet[AT]yahoo.fr

Communiqué de Marie-Jo Bonnet
Paris le février 2003,

Je propose la tenue d'une table ronde sous l'égide d'Anne Hidalgo
et de l'Observatoire pour l'égalité entre les femmes et les hommes,
réunissant les actrices et acteurs de la recherche,
de la documentation et des archives.

Nous pourrons discuter des questions suivantes :

- Faut-il centraliser les archives sur les lesbiennes et les gays en un lieu unique ?

- Comment garantir l'autonomie des centres existants (Archives lesbiennes logées à la Maison des femmes de Paris (ARCL), Académie Gay & Lesbienne, bibliothèque du CGL, etc...) et des "initiatitives privées".
Quel est le rôle du politique ? Comment se font les financements ? Sur quels critères ? Qui décide ?

- Plus précisément pour les lesbiennes. Où mettre leurs archives ? Avec les femmes (je rappelle qu'un projet de Cité des femmes est à l'étude au cabinet d'Anne Hidalgo sur la question des archives féministes, de l'extension de la bibliothèque Marguerite Durand, (qui étouffe dans ses locaux trop
petits), de la documentation, etc.) ; ou avec les gays. C'est une question politique essentielle puisque nous voyons par la pratique qu'à part la Maison des Femmes de Paris, les archives relatives à l'Eros lesbien sont invisibilisées dans la plupart des projets "officiels".

Que les personnes qui s'associent à cet appel me le fassent savoir afin que nous le proposions dans un premier temps à Mme Hidalgo.

Très cordialement

Marie-Jo Bonnet


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Marie-Jo BONNET
Docteur en Histoire
contactmjbonnet[AT]yahoo.fr

Paris le 22 janvier 2003,
à M. Bertrand DELANOE
Maire de Paris

Lettre ouverte à M. Bertrand Delanoë, Maire de Paris,
à propos du Centre d'Archives et de Documentation Homosexuelles de Paris (CADHP)
qu'il souhaite fonder dans la capitale.

Monsieur le Maire,

Le 2 décembre dernier j'ai écrit à Mme Anne Hidalgo, Première Adjointe à la Mairie de Paris et Responsable de l'Observatoire de l'égalité entre les femmes et les hommes, pour lui faire état de la "discrimination officielle" dont sont victimes les lesbiennes dans le projet de Jean Le Bitoux du futur "Centre d'Archives et de Documentation Homosexuelles de Paris" que vous souhaitez installer à Paris et que son "Association de Préfiguration du CADHP" s'est vu attribuer une subvention de 100 000 euros le 24 septembre 2002 pour entrer en phase de préfiguration.

N'ayant pas encore de réponse de Mme Hidalgo, et ayant été témoin de trop nombreuses inexactitudes, voire des déformations volontaires diffusées dans la presse par M. Philippe Lasnier, votre "Conseiller auprès du Maire de Paris" et votre "Chargé des relations avec les homosexuels", au sujet de notre action anti-discriminatoire, je me permets de répondre ici point par point à son argumentation :


- Je lis dans Télérama du 15 janvier 2003, les propos de M. Lasnier selon lesquels "Cette pétition truffée d'approximations émane d'un mouvement informel créé et peu représentatif du militantisme lesbien".

Il a toujours été clair que si je m'opposais à ce projet qui exclut les lesbiennes, c'était en tant que chercheuse, spécialiste de la question. J'ai soutenu une thèse d'histoire sur Les relations amoureuses entre les femmes en mars 1979, thèse qui en est à sa troisième édition. Et je ne parle pas de mon récent livre Les deux Amies, Essai sur le couple de femmes dans l'art, ni des articles que j'ai publiés dans le cadre scientifique comme dans le cadre militant.

Le groupe Archilesb! a été fondé dans le but de réfléchir à la question des archives. Je ne l'ai jamais caché et si Archilesb! a pu lancer sa pétition au festival Cinéffable, participer avec moi au débat organisé par Cinéffable sur les rapports du mouvement lesbien avec les institutions et si la pétition a recueilli à ce jour plus de 800 signatures, c'est bien parce que les questions qui y sont posées correspondent à une réelle inquiétude des mouvements lesbiens, d'abord, et d'autres acteurs du militantisme gay qui sont eux aussi discriminés par les pratiques hégémoniques de Jean Le Bitoux.

Je parle des transsexuels et transgenres mais aussi des associations gays et lesbiennes, des chercheurs et historiens qui n'ont pas attendu M. Le Bitoux pour constituer des Centres d'archives, ou qui sont choqués de l'exclusion des lesbiennes.

Rien que sur la région parisienne, il existe déjà au moins trois centres d'archives (voir plus loin). Or à ce jour, aucun centre existant n'a accepté de le rejoindre. Chat échaudé craint l'eau froide, probablement.


En effet, ce n'est pas la première fois que M. Le Bitoux lance cette idée grandiose et obtient son financement par les pouvoirs publics :

En 1990, il a fondé avec d'autres personnes la "Maison des Homosexualités", dans un appartement de "deux pièces et cuisine", rue Michel Le Comte.
Des subventions de l'Agence Française de Lutte contre le Sida (AFLS) et d'autres partenaires d'un montant global (pour 1990 au 1er semestre 1992) de 787 600 francs leur sont attribués (plus le loyer, les salaires et celui de la logistique administrative), parmi lesquelles "une subvention de 50 000 francs du Ministère de la Culture pour le service documentation" pour 1991 (cf. Gai Pied Hebdo N° 492, 31 octobre 1991, p. 55).
C'est pourquoi, Jean Le Bitoux, "responsable des programmes à la Maison des Homosexualités", se félicite dans un éditorial du magazine Illico d'octobre 1991, p.12, de l'octroi de la subvention en écrivant : "Un lieu s'impose, protégé des querelles associatives et des menaces politiques. Des éléments épars, des repères de notre histoire, encombrent encore nos caves. Certains, plus prévoyants, les remettent au Centre d'archives de la Maison des Homosexualités. Le Ministère de la Culture vient pour la première fois de se décider à reconnaître, par une subvention, la richesse de cette mémoire. Prenons-en acte, en sachant que l'histoire n'existe d'abord que par la protection de la sienne propre".

Or un mois plus tard, Act-Up Paris décidait de ne plus faire partie de la "Maison des Homosexualités" (cf. Illico, décembre 1991, p. 33 et 36). Pourquoi ?
Relisons leur déclaration : "Comment peut-on croire à une Maison des Homosexualités où les lesbiennes sont si peu représentées, où les associations présentes n'ont aucun contact direct avec les homosexuels, et qui manque à ce point de sens critique à l'égard des institutions gouvernementales ?" (cf. Gai Pied Hebdo N° 493, 7 novembre 1991, p. 17).
Dans Action n°4 de novembre 1991, p. 7, Act-Up Paris demandait la création d'un "vrai Centre Gai et Lesbien", parce que la "Maison des Homosexualités" n'avait rien fait contre le sida, notamment, ajoutant : "Des subventions pour le moins anticipées de l'AFLS donnent un cachet " lutte contre le sida " à ce qui n'est que l'ébauche " expérimentale " d'un centre gai (on n'ose pas dire " lesbien " tant les femmes en sont absentes)" [c'est moi qui souligne].

Et c'est comme cela que, se discréditant elle-même, la "Maison des Homosexualités" allait disparaître et qu'un vrai Centre Gai et Lesbien allait naître, quelques années plus tard à Paris, dans des nouveaux locaux, au 3, rue Keller.

Or aujourd'hui, on a le droit de se demander :
Où sont passées les archives de la "Maison des Homosexualités" ?
Et comment les subventions ont-elles été utlilisées ?
Est-ce parce quelques mystères planent encore sur ces questions que personne ne veut donner d'archives à M. Le Bitoux ? Veux-t-on ainsi éviter que la même mésaventure arrive au nouveau CADHP?


Les articles des magazines Têtu (N° 70, p. 54 et 55) et IB News (N° 13, p. 64 et 65), parus début septembre 2002, sur le projet du futur CADHP, révèlent que M. Le Bitoux "possède peu d'archives en propre".

Dans une interview du même numéro de Têtu, il reconnaît ne pas avoir les archives de Gai Pied, journal dont il se vante pourtant d'être le fondateur, et qui ont été rachetées par Patrick Elzière, PDG de Webscape et du site internet gayvox.com.

De plus, il a lui même affirmé que : "C'est le projet de la Ville de Paris, soutenu par Christophe Girard et Bertrand Delanoë […] Si M. Tibéri avait conservé sa place de maire, nous ne serions pas en train de travailler là dessus. Bertrand Delanoë a bien compris que Paris était une très grande ville au niveau de l'homosexualité. Nous sommes dans une bonne conjoncture […] "


- Dans Télérama je lis encore de Philippe Lasnier : "Le projet est d'ailleurs soutenu par les deux grands collectifs associatifs, le Centre gai et lesbien et la LGBT"...

Certes, et pour cause.... Un peu d'histoire nous révélera pourquoi :
En février 2001, la Lesbian and Gay Pride Ile-de-France (LGP IdF) a envoyé un "Questionnaire adressé aux candidats à la mairie de Paris" comprenant 8 questions, dont celle numéro 7 sur "Le Maire et la mémoire".
Le 2 mars, Bertrand Delanoë répond favorablement : "[...] la possibilité de créer un lieu de documentation, d'information et de recherche autour de cette mémoire a retenu toute mon attention".
Sa réponse sera d'ailleurs intégralement repoduite dans "l'introduction au dossier" en préface du projet de M. Le Bitoux, comme s'il s'agissait d'une réponse personnelle.

Je cite le Rapport d'activités 2001 de la LGP Ile-de-France : "Le 13 juin une rencontre a lieu avec Odette Christienne, adjointe chargée de la mémoire. La délégation était composée de Jean Le Bitoux, René Lallement et d'Alain Piriou, accompagnée de Christopher Miles. L'objet de la discussion était la mise sur pied d'un centre d'archives et de documentation sur les homosexualités. L'échange, bien que cordial, n'a pas été des plus fructueux".
Autrement dit Mme Christienne ne veut pas se charger du dossier.

Une semaine plus tard, le 18 juin, la délégation est revenue à la Mairie de Paris pour rencontrer : "M. Christophe Girard, adjoint chargé de la culture à la mairie de Paris : un soutien de principe a été accordé pour la mise sur pied d'un tel projet, bien que la décision revienne au maire" (cf. Rapport d'activités 2001 de la LGP IdF sur le site de l'Inter-LGBT).
On lui remet un mémorandum de deux pages : "Un outil pour la mémoire collective" avec le logo de la LGP IdF qui montre que c'est bien un document de la LGP IdF. Mais sur certaines versions du dossier de présentation du projet de M. Le Bitoux ce logo de la LGP IdF n'apparaîtra plus, comme s'il s'agit d'un document de son association AP CADHP.

Puis lors de la réunion du 3 septembre de LGP IdF (aujourd'hui dénommée Inter-LGBT), il a été dit que : "L'association " Association pour le centre d'Archives et de Documentation Homosexuelles de Paris" a été créée pour faire avancer le projet, et Jean Le Bitoux et Philippe Bot' qui en sont les représentants en présente l'état d'avancement. Le chantier est immense, mais d'énormes quantités d'archives sont déjà mobilisables [...]" (cf. Compte-rendu de la réunion sur le site de la LGP IdF). Comment ? Mystère.

En réalité l'association AP CADHP n'est pas encore créée et ses statuts ne seront déposés que trois mois plus tard, le 19 décembre 2001 exactement (cf. Journal Officiel), juste à temps pour demander la subvention pour l'exercice 2002.


Mais le problème de l'accès aux archives existantes est loin d'être réglé. Il existe déjà plusieurs centres d'archives à Paris, comme je l'ai dit :

- Archives Recherches Cultures Lesbiennes (ARCL), fondées en 1983 par Claudie Lesselier et qui sont hébergées à la Maison des Femmes de Paris, 163 rue de Charenton, 75012 Paris. (voir détails de leurs archives sur leur site : http://arcl.free.fr/) Ce grand fonds documentaire constitué sans aucune subvention comprend plus de 5 000 ouvrages, des centaines de revues, dossiers thématiques, vidéos, etc.
Même si celles-ci assurent des permanences régulières pour leurs consultations au public, les ARCL sont disqualifiées d'un revers de plume sous prétexte qu'elles sont non mixte.
Et en tout cas, la Mairie de Paris ne leur a même pas accordé une petite subvention !

- L'Académie Gay et Lesbienne, fondée par des collectionneurs qui se sont regroupés en association le 1er mars 2001. Depuis vingt sept ans, sans aucune aide, ils ont collecté toutes sortes de documents LGBT (environ 15 000).
Ils ont établi sur leur site http://www.archiveshomo.info/ : une liste de centres et fonds d'archives en France qui ont des documents sur les gays, lesbiennes, bisexuel(le)s, transgenres.
Mais cela ne compte pas : l'Académie Gay et Lesbienne est disqualifiée parce que ses archives sont toujours logées en banlieue, à Vitry sur Seine (94), et donc d'accès peu aisé pour les Parisiens.
Depuis deux ans, cependant, elle demande en vain un local dans Paris et une aide à la Mairie de Paris.

- Reste la Bibliothèque du Centre Gai et Lesbien de Paris (C.G.L.). Fondée en 1995 par Philippe Labbey, elle comprend 2 000 volumes, 3 000 revues et une documentation importante sur les associations, etc. (voir détails de leurs archives sur leur site : http://www.cglparis.org/ )
Et de plus, celle-ci assure des permanences régulières pour leurs consultations au public.

Depuis décembre 2001, des actions de "gay guerre" sont menées de l'extérieur contre le CGL, allant jusqu'à perturber le CGL en pleine Assemblée Générale du 16 février 2002 (cf. Nouvel Observateur Paris IdF du 28.02 au 06.03.02, p.13 ; gayvox.com du 18.02.02 ; etc.). Pourquoi et pour qui a-t-on organisé des tentatives de déstabilisation du CGL ?
Le conflit va durer plusieurs mois...

En tout cas le CGL a réussi à résister. La mairie de Paris finit par attribuer au CGL une subvention de 100 000 euros (votée le 22 novembre 2002), même montant, remarquons-le, qu'au projet CADHP de M. Le Bitoux.
[Le CGL n'avait bénéficié que d'une subvention de 200 000 francs (environ 30 000 euros) en octobre 2001]
Par la suite, le CGL aurait concédé à l'idée de "cohabiter" avec le l'Inter-LGBT (ex LGP IdF) et le projet CADHP de M. Le Bitoux dans un même immeuble (ce qui est promis par la mairie de Paris).


Enfin, dernier problème : le vote de la subvention des 100 000 euros par le Conseil de Paris en septembre 2002.

Là encore les choses ont été rondement menées, et ce, sur le dos des lesbiennes.

Le débat est intéressant car il montre qu'on a laissé parler Clémentine Autain, adjointe au Maire, sans aucunement tenir compte de ce qu'elle avait dit, car les jeux étaient déjà faits.
Que disait-elle :
" - [...] On parle des gays et moins des lesbiennes... Je vois que cela fait ricaner mes collègues de l'opposition.
- Mme Anne Hidalgo, première adjointe, présidente : - Ils sont un peu dissipés. Je vous demande de bien vouloir porter toute l'attention à ce dossier et de faire silence.
- Mme Clémentine Autain, adjointe : - Je voudrais qu'on fasse attention à la bonne répartition pour permettre une juste visibilité de la communauté lesbienne. Dans l'exposé des motifs, il est fait mention d'un site internet comportant une histoire du gay-Paris... Et le Paris des lesbiennes ? [...] Je voudrais par ailleurs que dans la composition de l'Association et du Comité qui va suivre ce projet, il y ait une place pour la Coordination Lesbienne. Ainsi, dans le conseil d'administration, d 'après ce que j'ai compris, il n'y a que trois femmes sur neuf hommes. Peut-être pourrait-on viser la parité ? Je pense qu'on doit pouvoir trouver des chercheurs et des scientifiques femmes pour être dans ce Conseil d'Administration [...]" (cf. Compte rendu du débat des délibérations du Conseil Municipal de Paris du 24-9-2001).

Cause toujours...
Le vote s'est passé sans histoire parce que "l'Association [de Préfiguration du CADHP] et la mairie [de Paris] ont discrètement sollicité Jean-Luc Roméro (RPR-UMP) pour qu'il tente de " sensibiliser " quelques élu-e-s de droite pour éviter des dérapages homophobes lors de la session qui examinera cette question" (cf. e-llico.com du 9-9-2002).
Et "[...] Jean-Luc Roméro a écrit à tous les présidents de groupe à la mairie de Paris : Il me semble à cet égard indéniable qu'un tel projet s'inscrit dans une démarche historiographique d'utilité publique [...]" (cf. gay.com du 6-9-2002).

[M. Roméro est par ailleurs le président (et aussi le fondateur) de son association des "Elus Locaux Contre le Sida : Ensemble Luttons Contre le Sida" (ELCS), dont la subvention allouée par la Mairie de Paris avait augmenté de manière substantielle de 10 000 francs (1 600 euros environ) en juin 2000 à 7 623 euros en juillet 2002 ]

Ainsi l'alliance entre la gauche et la droite se noue sur le dos des lesbiennes pour "éviter les dérapages homophobes", nous dit-on. Personne ne parle de la lesbophobie. Ni des pratiques hégémoniques de M. Le Bitoux sur les associations gays, lesbiennes et transgenres qui ont déjà travaillé sur le sujet. Est-ce la nouvelle cohabitation ?

Résultat des courses : Le Conseil de Paris (dont Philippe Seguin) a voté pour et il n'y eut que quelques abstentions de l'opposition.
Faut-il en vouloir à Archilesb! d'avoir oeuvré pour l'égalité en lançant sa pétition début novembre 2002 ?

- Que faire aujourd'hui ?

Je demande la réunion d'une table ronde rassemblant toutes les personnes concernées par les archives et l'histoire de l'éros gay, lesbien et l'étude des genres.
Pour faire cesser les polémiques inutiles, je propose que cette table ronde soit tenue sous l'égide de l'Observatoire pour l'égalité entre les femmes et les hommes dont c'est la fonction, me semble-t-il, de s'occuper de ce type de problèmes.

Il faudra repenser complètement le projet et mettre un terme aux visées hégémoniques de M. Le Bitoux qui divisent la communauté gay tout en reconduisant les pratiques discriminatoires envers les femmes qui relèvent d'un autre temps.


Monsieur Le Maire,

Nous vous avons élu parce vous vous êtes engagé à lutter contre la discrimination. "Toute forme de discrimination est à proscrire, qu'elle soit de nature raciste, homophobe, sexiste ou autre", avez-vous dit en réponse au questionnaire de la LGP Ile de France.
Et aussi : "Je redis mon engagement à organiser des campagnes de lutte contre toutes les formes de discrimination, y compris celles liées à l'orientation sexuelle".

Vous avez donc au moins deux raisons d'agir : le sexisme et la lesbophobie. J'en ajouterai une troisième qui est la simple honnêteté intellectuelle.

Dans cette attente, recevez, Monsieur le Maire de Paris, l'expression de mes sentiments distingués.

Marie-Jo Bonnet

Fait à Paris, le 22 janvier 2003


Copies à :
- Anne Hidalgo - Odette Christienne - Christophe Girard - Clémentine Autain - Nicole Azarro - Fabienne Leleu - AP CADHP - Jean Le Bitoux - Archilesb! - Coordination des Lesbiennes en France - Vigitrans - LopattaQ - Académie Gay & Lesbienne - aux associations et personnes citées


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Marie-Jo BONNET
Docteur en Histoire
contactmjbonnet[AT]yahoo.fr

Paris le 17 décembre 2002,
Article publié sur penelopes.org :
http://www.penelopes.org/xarticle.php3?id_article=2568

Quelques-uns des faits qui ont mené à la discrimination officielle des lesbiennes du CADHP

Le projet de préfiguration du Centre d'Archives et de Documentation Homosexuel de Paris (CADHP) a été conçu par Jean Le Bitoux et Christopher Miles peu avant les élections municipales de 2001. Il a été présenté au candidat à la mairie de Paris, Bertrand Delanoë qui l'a inscrit à son programme (cf. Déclaration du 2 mars 2001). En septembre 2002, après délibération du Conseil de Paris, une subvention de 100 000 euros était accordée à l'Association de préfiguration du centre d'archives et de documentation homosexuelles de Paris dont le siège social est situé 33 rue Richer Paris IXe, avec pour rapporteur Christophe Girard.

Plusieurs réunions préparatoires ont eu lieu. Marie-Hélène Bourcier a participé à quelques-unes d'entre elles, remarqué l'absence des lesbiennes et des transsexuels et demandé des éclaircissements à Jean Le Bitoux et d'autres acteurs.

Le Nouvel Observateur Paris Ile-de-France fait état de ses inquiétudes dans un article sur le Gay Marais à la date du 28 février 2002, p. 15. Aucune réponse n'a été donnée par la suite.

Parallèlement, durant l'été 2002 nous étions saisies, Marie-Hélène Bourcier et moi-même, par l'Association Cinéffable à la suite du refus de la Mairie de Paris de leur accorder la subvention qu'elle avait demandée pour organiser le festival de films lesbiens de la Toussaint. Ce refus n'a fait l'objet d'aucun document écrit. Tout s'est passé par téléphone et au début, personne ne voulait les recevoir. Cinéffable a donc décidé d'organiser un débat durant le festival sur les relations du mouvement lesbien avec les institutions politiques. Deux élues "vertes" étaient présentes, Nicole Azarro, membre du Conseil de Paris, et Fabienne Leleux, adjointe à la mairie du Xe arrondissement. Outre Marie-Hélène (d'Archilesb !) et moi-même il y avait deux représentantes de la Coordination Lesbienne en France, Sylvie Meinier (Grenoble) et Nathalie Rubel (Lille + LGBT), Michèle Larouy représentant les Archives Lesbiennes conservées à la Maison des Femmes de Paris, Suzette Tritton et Cinéffable. Presque totalement consacré à la question de la discrimination des lesbiennes au CADHP, le débat fut d'autant plus fructueux que Marie-Hélène Bourcier avait rédigé une pétition " Pour que cesse l'exclusion des lesbiennes dans le projet du futur centre de documentation et d'archives homosexuelles de Paris " qui recueillait quelque 400 signatures durant les trois jours du festival.

Le 29 novembre, les élues vertes nous ont reçues, Marie-Hélène et moi-même, à la Mairie de Paris pour envisager une action commune puisqu'elles nous soutenaient sur le fond.

Elles se sont engagées à écrire à Jean Le Bitoux, et aux Verts, laissant entendre que les Verts pourraient ne pas apporter leur appui lors du renouvellement de la subvention au CADFP en 2003 si l'association ne répondait pas sur la question des discriminations. Je n'ai pas encore reçu une copie de leurs lettres et ne peux donc dire ce qu'elles contiennent, ni si Jean Le Bitoux en a tenu compte.
C'est ce jour-là que j'ai eu en main pour la première fois l'ensemble du projet. Constatant l'exclusion volontaire des lesbiennes, tant dans l'argumentation relative aux priorités que dans la bibliographie, j'ai écrit à Madame Anne Hidalgo (La lettre), Première Adjointe au Maire de Paris, pour lui demander ce qu'elle comptait faire pour mettre un terme à cette discrimination officielle. J'ai également contacté Blandine Grosjean, journaliste à Libération, pour l'informer de la pétition (arrivée à 700 signatures début décembre, dont celles de la Coordination Lesbienne en France et d'Act up) et lui transmettre ma lettre à Anne Hidalgo. Son article est paru dans le numéro du 7-8 décembre 2002, p. 17. Mais comme il reproduisait des propos outrageants pour les lesbiennes tenus par un membre du comité de soutien du CADHP, j'ai écrit une lettre de mise au point à Blandine Grosjean (La lettre), et envoyé la copie au Maire de Paris dans l'intention de rester sur les seuls terrains politique et scientifique (La lettre). Un coup de téléphone de Philippe Lasnier du 13 décembre pour me convaincre que Christophe Girard n'avait pas "porté" le projet m'a fait reprendre la plume pour clarifier les choses dans une lettre du 16 décembre 2002.

Nous souhaitons qu'un vrai débat politique et scientifique puisse se tenir publiquement sur cette question. C'est pourquoi nous vous donnons les pièces du dossier en notre possession.

Signer la pétition lancée par Archilesb !

Marie-Jo Bonnet, le 17 décembre 2002


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